FENOSA APEL.LES (1899-1988)
Né à Barcelone en 1899 d'une famille paysanne originaire du sud de la Catalogne, Fenosa fut baptisé du prénom d'Apel.les en hommage au poète Mestres que son père admirait. L'activité de ce dernier, ferblantier puis gérant d'une petite verrerie, éveilla très tôt l'intérêt du jeune garçon pour la manipulation des matériaux. À treize ans, Fenosa affirmait déjà son intention de devenir artiste, aspirant à une sorte de sculpture si pure que la contempler suffirait à changer le monde.
C'est dans l'atelier du sculpteur Casanovas que Fenosa fit son apprentissage à Barcelone dès 1916. De cette époque datent sa rencontre avec Manolo, dont il fut très proche, ainsi que celle d'Antonio Gaudí, père de l'architecture catalane, dont l'invention et le dynamisme créateur le fascinaient. Mais les vrais débuts de sa carrière artistique remontent au temps de son exil à Paris, où il émigra une première fois de 1921 à 1929 après s'être déclaré objecteur de conscience, en républicain convaincu qu'il était. Fenosa noua de nombreuses relations avec le milieu essentiellement littéraire d'alors. En 1924, Max Jacob préfaça le catalogue de sa première exposition personnelle à la galerie Percier, et Jules Supervielle, qui a laissé un très beau texte à son propos, acquit une de ses œuvres.
De retour dans son pays, Fenosa participa activement à défendre la place de l'artiste dans la nouvelle société qui semblait se dessiner parce que, pour lui, agir, c'était prier ensemble. Peu à peu, sa réputation grandit en Espagne et il fut désigné pour représenter son pays à la biennale de Venise en 1936. Mais, très vite, sa volonté d'engagement se heurta aux événements et il dut émigrer de nouveau en 1939, rejoignant une seconde fois la France pour s'y installer définitivement.
Établi à Paris, Fenosa reprit contact avec tous ses amis, et dans la discrétion de son atelier put s'adonner pleinement à l'exercice de son art. De ce moment, il engagea son œuvre propre et, sans se laisser influencer par aucune mode ni tomber dans les travers d'un académisme moribond, il orienta son travail de façon singulière. Passionnément amoureux de la femme, il lui consacre de nombreuses œuvres. Des Trois Grâces de 1944 au surprenant bas-relief d'Ophélie de 1951, en passant par les figures de Violoniste et de Flûtiste de 1946, c'est l'idée de tremblement émotif et de frémissement lumineux qu'il développe, livrant la nudité du corps féminin comme un hymne à la vie. Par la suite, ses bustes, ses nus, ses quelques grandes compositions allégoriques livrent au regard des figures en proie aux germinations les plus surprenantes. Sous ses doigts, la terre, le plâtre, le bronze prennent des élans inattendus, s'inventent des formes filantes, libres de toute pesanteur, agitées d'une impatience dynamique. Si la Métamorphose des sœurs de Phaéton annonçait cette évolution dès 1950, Volute (1967) et Vega (1968) confirment cette volonté du sculpteur de dépasser toute réalité pour réinventer un ordre naturel. En assimilant le corps féminin et ses ondulations aux mouvements des plantes et des feuilles, comme dans le fameux groupe du Beau Temps pourchassant la Tempête (1978-1979), Fenosa semble quêter une sorte d'identification du végétal avec l'humain, comme s'il voulait animer la matière.
Toute sa vie, Fenosa se plut en compagnie des poètes parce qu'il partageait avec eux cette idée que les choses les plus importantes sont celles qu'on ne voit pas. Il se lia d'amitié avec Cocteau, Michaux, Ponge et Genet. De toutes ces rencontres, il a laissé une galerie de portraits, tels ceux de Paul Eluard en 1942, qui composa pour lui un émouvant poème, de Colette en 1948 ou de Roger Caillois en 1970, qui lui consacra plusieurs textes remarquables dont [...]
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Écrit par
- Philippe PIGUET : historien, enseignant, critique d'art
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