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APICIUS (25 av. J.-C. env.-env. 37)

Marcus Gavius Apicius, le plus célèbre gastronome de l'Antiquité, n’est connu qu'indirectement au travers d’anecdotes où les auteurs donnent une vision lacunaire et presque toujours négative du personnage. On situe approximativement sa naissance aux alentours de 25 av. J.-C. car il vécut à la cour de Tibère (Athénée, Deipnosophistes, 7a) dont il fréquenta le fils (Pline, NH, 19,137) et fut un intime de Séjan, le favori de l'empereur (Tacite, Annales, 4,1,3). Richissime, il semble avoir consacré son existence à des recherches culinaires dont le raffinement le dispute à l'extravagance. C'est lui qui aurait inventé de cuisiner les langues de flamant rose (Pline, X, 133), et d'améliorer le foie des porcs, en les engraissant, comme les oies, de figues fraîches, avant de les tuer brutalement en leur faisant boire du vin miellé (Pline, VIII, 209). Dans le même esprit, il expérimenta une amélioration du garum (condiment à base de poisson et de sel), en laissant se noyer les poissons qui serviraient à le fabriquer, dans le garum lui-même. Ayant entendu vanter la grosseur des crevettes trouvées sur le côte libyenne, il affréta un navire, mais à peine arrivé, déçu par celles que lui présentaient les pêcheurs, fit demi-tour sans même aborder (Athénée, 7 b-c). Sa fin est celle d’un dandy plus que d’un jouisseur puisque, voyant son patrimoine diminuer sous l'effet de sa ruineuse passion, il s'empoisonna, plutôt que de changer son train de vie (Sénèque, Ad Helviam, 10, 9). On peut situer sa mort vers la fin du règne de Tibère (37 après J.-C.).

Le moraliste Sénèque a vu en lui un corrupteur, qui « tint école de gourmandise et infecta le siècle de ses leçons » (Sénèque, ibid., X, 8), et sa légende, entretenue par les Pères de l'Église, en a fait un symbole de l'orgie et de la décadence. Sa prodigalité choqua les esprits, mais on lui reprocha sans doute moins le luxe de sa table – un siècle plus tôt, Lucullus, le vainqueur de l'Orient, avait donné l'exemple – que d’avoir dédié sa vie à une activité considérée comme indigne. Son nom est devenu très tôt synonyme de cuisinier, mais comme Sénèque cite Apicius à côté de Mécène (Epist., 120,19), on peut considérer qu’en faisant pénétrer dans les salles à manger les raffinements de la civilisation grecque, le premier fut à la cuisine ce que le second est aux arts.

De fait, cet esthète fastueux a joué un rôle déterminant dans la diffusion à Rome d'une grande cuisine directement inspirée des Grecs, où il s'illustra comme premier auteur de langue latine. Son nom en effet est attaché au De re coquinaria (De l'art culinaire), le seul livre de recettes qui soit conservé de l'Antiquité. Le manuscrit qui nous est parvenu ne peut certainement pas lui être attribué intégralement puisque on y trouve des mentions de personnages ayant vécu beaucoup plus tard. C'est une compilation du ive siècle, qui s'est enrichie au cours du temps, comme nos modernes livres de cuisine, mais dont le noyau de base est constitué par les écrits d'Apicius. Lui-même aurait écrit directement deux ouvrages : l'un consacré uniquement aux sauces, De condituris, sorte d’aide-mémoire pour les professionnels, qui donnait simplement des listes d'ingrédients ; le second devait comporter des recettes plus complètes, comme en témoignent dans le recueil divers plats dit Apiciani (à la façon d’Apicius), dont une concicla (plat de fèves), des ofellae (noisettes de viande), une patina (préparation liée aux œufs), un minutal (ragoût) qui se signalent par leur complication et se caractérisent par l'accumulation d'ingrédients rares, d'épices exotiques comme le poivre et de condiments coûteux, comme le garum, à l’opposé de l'alimentation traditionnelle, fondée sur les produits indigènes. Apicius donna également son nom[...]

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