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APOLITISME

L'apolitisme n'est qu'exceptionnellement une doctrine en bonne et due forme. Il peut consister en un refus volontaire et motivé de se placer sur le terrain politique. Il peut être une posture que l'on adopte pour promouvoir en fait une option politique particulière. Au début du xxe siècle, il fut une conception particulière de l'action syndicale, en vue d'une certaine forme... d'action politique ! De nos jours, il est essentiellement une attitude de désintérêt à l'égard de la vie politique, dont la tendance à l'affaiblissement des conflits idéologiques semble être la principale responsable.

Une posture volontaire, parfois stratégique

Seuls les épicuriens, dans l'Antiquité, ont théorisé et assumé le désengagement par rapport à la vie de la cité en tant que position doctrinale. Recherchant le plaisir dans l'absence de souffrance pour le corps et dans l'absence de trouble pour l'âme, ils considéraient que le sage était celui qui savait éviter de s'exposer à des troubles inutiles. Aussi, contrairement aux stoïciens, qui valorisaient l'engagement politique, ils prônaient, quant à eux, le retrait de la vie publique afin de se mettre à l'abri de ses désagréments.

L'apolitisme est souvent une limitation qu'un acteur social s'impose à lui-même pour éviter que les tendances à la division et au conflit, inhérentes à la politique, ne viennent perturber ses activités. De nombreuses associations, culturelles ou sportives par exemple, s'interdisent ainsi toute prise de position politique. De même, un bon commerçant sait qu'il ne doit pas prendre publiquement parti en politique. Dans nombre de petites communes, lors des élections municipales, apparaissent des listes « apolitiques » qui visent à éviter les tensions à l'intérieur d'une petite communauté. Néanmoins, cette situation n'empêche pas le maire, finalement élu, d'exprimer par la suite des sympathies politiques.

Dans les faits, la frontière n'est pas toujours claire entre la volonté réelle d'éviter les interférences avec la politique et une posture « apolitique » adoptée à des fins stratégiques. Dans certains cas, l'apolitisme affiché d'une organisation à buts sociaux, intellectuels ou autres, recouvre néanmoins une orientation idéologique, avouée ou non, et a simplement pour signification le refus d'inféoder l'organisation aux objectifs stratégiques ou tactiques d'un parti politique particulier. Dans d'autres cas, il n'est qu'une tentative peu crédible de masquer la réalité d'un lien organique avec un parti politique.

En France, la notion d'apolitisme a souvent été associée à la charte d'Amiens, adoptée lors du congrès de la C.G.T., en 1906, bien que le mot ne figure pas dans le texte de la charte. À une époque où le Parti communiste n'existe pas encore, la charte d'Amiens donne comme objectif au syndicalisme une lutte, « en dehors de toute école politique », visant l'émancipation intégrale du prolétariat au moyen de l'action révolutionnaire et tout particulièrement de la grève générale. Il ne s'agit donc nullement, en l'occurrence, d'une attitude de prudence ou de réserve à l'égard de la chose publique, mais au contraire d'une volonté autonome de transformation de la société, sans « se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté la transformation sociale ».

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  • MANN THOMAS (1875-1955)

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    Les « maîtres » sont malheureusement aussi des maîtres d'apolitisme, ils incarnent le divorce très allemand entre l'audace de la pensée et la misère de l'action. L'auteur des Considérations d'un apolitique pratique largement, dans la ligne de Hölderlin, Heine ou Nietzsche,...