APOLLINAIRE DE LAODICÉE (310 env.-env. 390)
Originaire de Laodicée en Syrie, Apollinaire reçut une formation philosophique et rhétorique qui lui permit de jouer dans l'Église un rôle important comme porte-parole auprès des païens et comme théologien. Lorsqu'il fut élu à l'épiscopat en 361, l'empereur Julien commençait son œuvre de restauration religieuse et allait interdire bientôt aux chrétiens l'enseignement des lettres classiques (loi scolaire de 362). En collaboration avec son père, qui était grammairien, Apollinaire entreprit de fournir aux chrétiens une littérature de remplacement ; pour cela, il transposa les sujets bibliques dans des modèles classiques (épopée biblique en vingt-quatre chants, théâtre, poésie, dialogues socratiques). Il réfuta également, dans deux apologies disparues, les traités de Porphyre (Contre les chrétiens) et de Julien (Contre les galiléens).
Mais Apollinaire, défenseur du dogme de Nicée, est surtout connu comme l'initiateur d'une théorie christologique importante, condamnée comme hérétique au concile de Constantinople (381). Selon cette doctrine, il n'y a pas dans le Christ de principe humain de vie et d'activité, puisque cette fonction est remplie directement par le Verbe ; le Verbe entre donc en contact avec la chair humaine selon le rapport même de l'âme et du corps. Apollinaire conçoit le Verbe et le corps comme les deux parties d'un composé. Ces conceptions, qui ne font qu'expliciter la tendance générale de la théologie du schéma Verbe-chair à faire abstraction de l'âme du Christ, sont déterminées par un souci sotériologique. Admettre dans le Christ l'existence d'une âme humaine serait lui reconnaître la possibilité de pécher, et par là compromettre le salut. Il est nécessaire que le Verbe, et non un homme, soit le sujet des actes de salut. Seule l'union directe du Verbe et de la chair permet de concevoir le Christ comme impassible et invincible dans la tentation. Supposer une humanité complète (âme rationnelle et corps) ouvre la porte à la menace constante d'une division. L'unité du Christ exige que ses éléments constituants n'aient pas d'existence autonome, mais que tout leur être n'ait de sens que dans la composition de cette physis nouvelle. C'est essentiellement contre les tendances, qu'il juge dualistes, de la christologie antiochienne qu'Apollinaire insiste sur cette exigence d'une union naturelle. Lorsqu'il parle d'une physis unique du Verbe incarné, il ne faut pas y voir le monophysisme qui se développera ultérieurement. Il n'y a, dans le composé divino-humain qu'est le Christ, qu'une seule source vitale, un seul principe dynamique, même au niveau purement biologique, et c'est le Verbe. Cette théorie, bien que condamnée, a exercé une influence considérable sur l'évolution de la christologie jusqu'à la définition du concile de Chalcédoine (451), du fait qu'elle avait introduit en christologie une dialectique rigoureuse jointe à un vocabulaire technique (ousia, physis, hypostasis, prosôpon).
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Écrit par
- Richard GOULET : docteur de troisième cycle, chargé de recherche au C.N.R.S.
Classification
Autres références
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ANTIOCHE
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