APOLLON, mythologie grecque
Expression la plus haute et la plus achevée de ce que fut le génie grec, Apollon apparaît, avant même la période classique, comme un dieu proprement hellène. En lui, toute trace d'une origine asiatique, si sensible chez d'autres divinités, Dionysos notamment, a été estompée, et ce dès avant les poèmes homériques qui recueillent et délivrent une tradition plutôt qu'ils ne la créent, fixent les traits principaux du dieu que la postérité enrichit et développe plutôt qu'elle ne les réforme et les remodèle. De même qu'Artémis, sa sœur jumelle, incarne la Nature en liberté, tantôt douce, tantôt terrible, mais toujours imprévisible, de même Apollon est l'Esprit en liberté, et sa beauté physique, sa grâce éblouissante, dont témoignent les œuvres qu'il inspira, ne sont que la liberté de l'esprit manifestée par le corps.
Apollon est le dieu de la « théorie », le dieu qui voit clair et loin, dieu solaire qui enseigne la prédiction (c'est dans son temple de Delphes qu'officiait la Pythie) aussi bien que la guérison (il est père d'Esculape), dieu d'équité (Thémis l'a nourri) et d'harmonie, qui se tient au-dessus de toutes les mêlées (le combat des dieux, dans L'Iliadeau chant XXI). Il élève en l'homme la part la plus sublime de lui-même, celle par laquelle, connaissant sa propre limite, il l'a du même coup transcendée (c'est là en effet une des significations du gnôthi séauton — « connais-toi toi-même » — delphique). Mais à lui non plus il n'est pas permis d'aller plus haut et plus loin, de prétendre enchaîner jusqu'à Zeus, son propre père, et, dans l'ivresse de sa liberté, de chercher à s'affranchir de la Nécessité : car l'orgueil de l'esprit est une démesure qui le fait retomber plus bas encore que les fils de la terre ; deux fois, Apollon est condamné par Zeus à servir sept ans, comme esclave, Laomédon, roi de Troie, et Admète, roi de Phères, dont il fait prospérer les troupeaux (L'Iliade, II et XXI). Le poète, inspiré des Muses, a-t-il eu la prémonition du danger qui menace l'esprit ? Quoi qu'il en soit, on peut rapporter à ce caractère toutes les légendes bâties autour de la figure du dieu et tous les attributs dont elles le parent : sa naissance sur l'île errante d'Ortygie (où sa mère Lêto s'est soustraite à la vindicte d'Héra) qui se fixe alors parmi les Cyclades sous le nom de Délos (la « Lumineuse ») ; le don que fait Zeus d'un attelage de cygnes à celui dont les poètes diront l'éclatante pureté (Phoïbos, le « Brillant ») ; sa retraite au pays des Hyperboréens, qui vivent sous un ciel toujours pur ; son retour à Delphes, où les sources elles-mêmes deviennent plus claires en son honneur.
Dieu du refus de la promiscuité, dieu des hauteurs, Apollon est muni de l'arc et de la lyre. Avec l'arc il frappe de loin ceux qui l'ont offensé, et il guide les traits de ses protégés (cf. la mort d'Achille). Parfois aussi il apporte à ces derniers une mort exempte de douleur. Toujours il rend à ses victimes, amies ou ennemies, les honneurs qui sont dus aux morts, et il modère ses vengeances par des expiations (comme il fait pour Nestor, auquel il donne de vivre trois fois plus longtemps pour compenser le massacre des Niobides). Avec la lyre, il emplit l'air d'une musique harmonieuse qui charme aussi bien les dieux que les hommes, et il inspire les poètes de la mesure et de la lumière (Pindare). Enfin, c'est lui qui préside à la fondation des cités, qui conseille les sages législateurs (Solon), qui veille au développement harmonieux des jeunes gens, à la santé de leur âme comme à celle de leur corps.
En Grèce, ses sanctuaires principaux sont à Délos et à Delphes, où son retour est célébré chaque année avec[...]
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Écrit par
- Robert DAVREU : enseignant en littérature générale et comparée à l'université de Paris-VIII, poète et traducteur
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