APOLOGÉTIQUE
L'apologétique chrétienne aux premiers siècles
L'apologétique chrétienne a commencé, au lendemain de la Pentecôte, avec les discours de Pierre(Actes des Apôtres, ii et iii) et d'Étienne (Actes, vii). Elle fut d'abord une défense et un témoignage des juifs chrétiens face aux responsables du peuple juif. Son affirmation majeure était la réalisation des prophéties messianiques. Elle n'impliquait pas pour autant une rupture avec le judaïsme et elle argumentait à partir de la même tradition et sur les mêmes thèmes.
Mais dans l'ensemble du Nouveau Testament (Phil., i, 7 ; I Tim., i, 3 et surtout Actes, xxiv, 25), l'apologie prit bientôt une extension beaucoup plus large. La défense de la foi en Jésus-Christ fut portée devant les tribunaux païens, et les premiers chrétiens virent dans cette convocation juridique devant les autorités la confirmation de l'Évangile et la manifestation de l'Esprit saint. L'apologie, qui pouvait aller ainsi jusqu'au martyre, fut adressée désormais à tous les peuples de l'Empire et aux autorités constituées. Dans la Première Lettre de Pierre(iii, 5), se trouve la charte de l'apologie de la foi selon le Nouveau Testament : « Soyez prêts à rendre raison de l'espérance qui est en vous, à quiconque vous le demande avec mansuétude et respect. »
Quand ils se furent distingués des juifs, les chrétiens témoignèrent de leur foi devant les fonctionnaires païens, et avant tout devant l'empereur. D'où le nom de « Pères apologistes », qui fut donné aux premiers Pères de l'Église. Le iie siècle fut ainsi l'âge des apologies : Apologies I et II, de Justin (147-161) ; Discours aux Grecs, de Tatien (150-173) ; Trois Livres à Autolicus, de Théophile d'Antioche (160) ; Supplique pour les chrétiens, adressée par Athénagore d'Athènes à Marc Aurèle (177) ; Épître à Diognète, le chef-d'œuvre du genre, dont l'auteur n'a pas été identifié.
Les ouvrages apologétiques ont été d'abord des réponses aux contestations des philosophes ou des gnostiques grecs : Octavius, de Minucius Félix (fin du iie siècle) ; Apologétique, de Tertullien (197) ; Exhortation aux Grecs, Pédagogue, Stromates, de Clément d'Alexandrie (200-202) ; Contre Celse, d'Origène (244-248). Ces écrits ont préparé les traités théologiques des Pères des siècles suivants.
Cette littérature, fondée surtout sur le Nouveau Testament, s'est accompagnée malheureusement très souvent d'un oubli et d'une méconnaissance de la tradition juive. Affirmant entre les deux Testaments, entre le temps de la promesse et celui de l'accomplissement, un rapport d'antitype à type, ou d'image à réalité, les apologistes chrétiens d'origine grecque ont manifesté un penchant excessif pour l'allégorie et ont parfois détaché la typologie de l'histoire, et la théologie de l'économie et de l'histoire du salut. En retour, les rabbins tannaïm et amoraïm se sont repliés sur la tradition légale, la halakha. Ils ont laissé de côté les versions de la Bible, en particulier la version des Septante répandue jusqu'alors dans les synagogues de la diaspora, parce que les chrétiens l'utilisaient contre eux, et ils ont préféré les traductions de Théodotion, Symmaque et Aquila. Sous l'influence d'apologétiques opposées, le judaïsme et le christianisme, pourtant issus d'une même tradition, sont devenus ainsi très rapidement étrangers l'un à l'autre. Ce retournement fut consacré quand le christianisme, de religion persécutée, devint avec Constantin religion de la majorité.
Bien que l'islam ne véhicule du judaïsme et du christianisme que des éléments partiels et déformés, les relations de ces deux derniers avec l'islam ne furent au début ni d'opposition ni de défense.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard DUPUY
: directeur du Centre d'études Istina et de la revue
Istina
Classification
Autres références
-
APOLOGISTES GRECS
- Écrit par Jacques DUBOIS
- 1 518 mots
En présentant la doctrine de l'Évangile, les premiers auteurs chrétiens avaient dû incidemment réfuter certaines propositions hétérodoxes. Au iie siècle, l'attitude agressive des païens et des juifs contraignit les chrétiens à défendre leur foi par des écrits polémiques, qui furent assez...
-
ARISTÉE LETTRE D'
- Écrit par André PAUL
- 325 mots
Œuvre de propagande du judaïsme alexandrin, la Lettre d'Aristée est censée avoir été rédigée par un grand officier du roi Ptolémée (~ 285-~ 247). Elle est bien plus tardive en vérité, et il est difficile de la dater d'avant ~ 100. C'est là que, pour la première fois et brillamment orchestrée,...
-
ARNOBE (260?-? 327)
- Écrit par Élizabeth BINE
- 305 mots
Vivant à l'époque de l'empereur Dioclétien, Arnobe se range parmi les apologistes chrétiens. Après avoir longtemps enseigné la rhétorique à Sicca Veneria, en Afrique proconsulaire, il se convertit tardivement au christianisme, vers soixante ans. L'évêque dont il dépendait conçut quelques doutes sur...
-
ATHÉNAGORE (IIe s.)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 421 mots
Philosophe grec chrétien, actif au iie siècle apr. J.-C.
Les premiers historiens voient en Athénagore un platonicien converti au christianisme. Originaire d'Athènes, il se rend à Alexandrie et y fonde une académie réputée par la suite. Vers 177, il adresse à l'empereur Marc Aurèle et à son fils, Commode,...
- Afficher les 12 références