APOLOGISTES GRECS
Justin et son école
Le plus important des apologistes grecs du iie siècle est Justin. Il était né en Palestine à Naplouse (la Sichem de la Bible) de parents païens. Il se mit à l'école des philosophes – un stoïcien, un péripatéticien, un pythagoricien, enfin un platonicien – jusqu'au moment où il connut le christianisme et se convertit, probablement à Éphèse. Il décida alors de défendre sa foi chrétienne : il revêtit le pallium, le manteau que portaient les philosophes grecs, et se mit à voyager. Arrivé à Rome, il y fonda une école où il eut comme élèves deux apologistes, Tatien et Miltiade (les écrits de ce dernier sont perdus et son séjour à l'école de Justin n'est que probable).
Le philosophe cynique Crescens, adversaire passionné de Justin, se vengea d'avoir été convaincu d'ignorance au cours d'une discussion en allant le dénoncer ; Justin fut décapité, probablement en 165, avec six compagnons ; le récit de son martyre, qui comporte l'interrogatoire et la sentence, est le seul procès-verbal authentique de martyre qui ait été conservé pour la ville de Rome.
On possède de saint Justin deux apologies adressées à Antonin le Pieux (138-161) et le Dialogue avec Tryphon, la plus ancienne apologie dirigée contre les juifs.
Plus encore que par leurs développements apologétiques et théologiques, les œuvres de Justin intéressent par les descriptions qu'il donne de la liturgie du baptême et de l'eucharistie : c'est le plus ancien auteur qui décrit la célébration de la messe. Ce faisant, il s'écartait d'une consigne de silence habituellement suivie. Ne pouvant se soumettre à certaines pratiques païennes intimement mêlées à la vie sociale et obligés d'être discrets pour leur propre sécurité, les chrétiens vivaient dans un effacement volontaire, qui alimentait les pires calomnies, car il laissait supposer que leurs réunions étaient secrètes parce qu'elles comportaient des rites inavouables, tels qu'obscénités ou meurtres d'enfants. Justin fut le seul à penser que la meilleure défense était de raconter simplement ce qu'étaient ces réunions sans craindre d'exposer à tous les mystères du christianisme.
Disciple de Justin, Tatien composa un Discours aux Grecs d'une extrême violence où il rejetait avec mépris la culture grecque tout entière. Cet exalté finit par quitter l'Église, trop faible à son gré, et fonda la secte des encratites, qui condamnait absolument l'usage de la viande, du vin et du mariage. La célébrité de Tatien vient surtout de son Diatessaron, « tiré des quatre », qui est une histoire de Jésus, groupant en un récit continu des passages des quatre évangiles ; c'est le plus ancien essai du genre, le seul qui ait été utilisé dans la liturgie.
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Écrit par
- Jacques DUBOIS : moine bénédictin, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
Classification
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