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APOLOGUE, genre littéraire

La narration d'une anecdote à personnages animaux, ou parfois végétaux, agissant et parlant comme les humains et, le cas échéant, en leur compagnie, a toujours servi à illustrer des leçons de prudence ou de morale pour les hommes. Le genre, préexistant à la notion de genre, plonge ses racines à la fois dans la nuit des temps et dans l'infralittérature. Tout éternel qu'il paraisse, il présente en outre — et paradoxalement — la singularité de s'être incarné tardivement aux yeux des lecteurs de nombreux pays, en un écrivain génial, La Fontaine. Le second recueil de ses Fables marie d'ailleurs les deux grandes traditions antérieures : celle de l'Occident, représentée par les fables grecques attribuées à Ésope et rassemblées pour la première fois, semble-t-il, en Ionie au vie siècle, par Phèdre à Rome et par de nombreux traducteurs, adaptateurs ou même inventeurs de l'Antiquité et de la Renaissance ; celle de l'Orient, qui a pour origine connue le Pañchatantra sanskrit et pour maillons principaux Bidpaï en Inde et le livre de Kalila et Dimna en Perse et dans les pays arabes. Plusieurs interférences compliquent cette division. Les fables ésopiques peuvent même dériver de l'araméenne Histoire d'Ahiqar, tandis que les fables arabes de Locman dérivent de celles d'Ésope. Dans l'ensemble, les apologues orientaux se présentent comme des textes beaucoup plus étendus, liés les uns aux autres par le fil d'un récit, et comportent volontiers une leçon de portée collective, alors que la morale individuelle l'emporte de loin en Occident. De structure brève et claire, subordonnée à la moralité (nettement détachée à la fin ou au début), qui est « l'âme du conte », l'apologue occidental se différencie d'une saga telle que le Roman de Renart, et enchante, sous le nom d'ysopet, le même public médiéval. Favorisé aux xvie et xviie siècles par la vogue de son cousin germain l'emblème, l'apologue s'accompagne toujours, lui aussi, d'une illustration. Mais, suivant un exemple qui remonte à Horace, il s'assouplit pour s'insérer dans l'épître (Marot), la satire (Régnier), etc. À la fin du xviie siècle, on compose des « comédies de fables » (Boursault). Les fabulistes secondaires français, Furetière, Florian, ont encore des émules, tel Marcel Aymé. Mais chacun sait que les virtualités d'un genre théoriquement voué au didactisme n'ont pas été renouvelées depuis que La Fontaine l'a transmué en somme de poésie.

— Jean MARMIER

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Rennes-II-Haute-Bretagne

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Autres références

  • FABLES (J. de La Fontaine) - Fiche de lecture

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    ...reprennent les schémas d'Ésope et de Phèdre, mettent surtout en scène des animaux et dégagent une ou plusieurs morales, le plus souvent traditionnelles aussi bien dans des apologues placés en début ou en fin de texte qu'à l'intérieur même des récits : « Nous n'écoutons d'instinct que ceux qui sont les...
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    ...», forme malgache du tabou mélanésien, expliqué par des aventures où ces animaux sauvèrent la vie de l'homme. On a pris l'habitude de réserver le nom d' apologues aux récits comportant une morale distincte et celui de fables aux textes purement narratifs. Cette distinction ne doit pas nous faire oublier...