APOSTILLE (G. Genette) Fiche de lecture
Troisième dictionnaire de l'auteur, publié après Bardadrac (2006) et Codicille (2009), Apostille (Seuil, 2012) poursuit pour le plus grand plaisir de ses lecteurs l'aventure de ce qu'on pourrait caractériser comme une gaie science autobiographique. Le conseil de lecture – réitéré par l'auteur – reste le même : il faut lire l'ouvrage dans l'ordre, de A à Z, quitte à ne pas résister à la tentation, à contredire la consigne et aller trop de l'avant (pour se jeter, par exemple, sur les nouveaux « médialectes » et autres « mots-chimères » qui forment un livre dans le livre) avant de revenir sagement en arrière car on s'aperçoit vite que l'on a probablement manqué quelque chose. La leçon, valable pour chaque livre considéré en lui-même, l'est aussi pour l'ensemble de l'œuvre, ce qui offre au lecteur un fil rouge qui unit les différents ouvrages entre eux.
Du désordre au divers
Le deuxième volume commençait par l'entrée Again, qui résonnait à la fois comme la demande d'un lecteur en manque et l'injonction à s'y mettre – ou à ne pas pouvoir s'en passer – pour l'écrivain. Apostille s'ouvre de la manière la plus apparemment réflexive avec le mot Abécédaire. Gérard Genette fait d'ailleurs un sort à la vogue du terme et avoue lui-même préférer pour sa part celui de dictionnaire, renvoyant derechef aux modèles de Voltaire ou d'Ambrose Bierce. Il revendique aussi son statut de « Journal à ciel ouvert et livré en vrac („en miettes“ disait Ionesco) au désordre alphabétique ». Une telle défense de l'aléatoire autobiographique placée en début de copie fait incontestablement se déplacer l'horizon d'attente : la zarzuela qui servait de modèle musical à Bardadrac laisse place désormais à des medleys à la ligne mélodique plus soutenue. Les femmes sont de plus en plus présentes « dans leur diversité » : Jacqueline – oui, celle à qui l'on doit l'invention du mot-valise « bardadrac » qui sert de modèle à l'entreprise de Genette – tient toujours le rôle-titre, mais elle partage désormais la vedette, en tout bien tout honneur, avec des seconds rôles à la présence insinuante. Genette se révèle d'une irrésistible drôlerie dans l'évocation un brin masochiste de gaffes ou de lapsus parfois vraiment surprenants : en bonne compagnie, il est ainsi capable de demander une chambre au premier étage... en arrivant au restaurant. La fréquentation de ce qu'on appelait jadis ou naguère le beau sexe est en tout cas célébrée, et désormais préférée au plaisir plus recuit du tête-à-tête intellectuel (voir notamment l'entrée Conversation).
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Écrit par
- Marc CERISUELO : professeur d'études cinématographiques et d'esthétique à l'université de Paris-Est-Marne-la-Vallée
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