APÔTRES & APOSTOLAT
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Nature de l'apostolat
L'apostolat est autre chose qu'une propagande et plus encore que la publicité. La propagande vise seulement à répandre des idées, à gagner des adhérents ; pour cela, elle emploie des moyens d'efficacité plus ou moins mécaniques, plus ou moins massifs, comportant des éléments de pression, de conditionnement psychologique. La propagande considère le résultat matériel, chiffrable. Quand elle s'exerce ainsi dans le domaine religieux et surtout dans un climat de gains numériques ou d'accroissements confessionnels, on parle de « prosélytisme ». Mais le concept de prosélytisme est ambigu. Il n'était pas péjoratif au début du xixe siècle. Bientôt cependant il a pris une nuance dépréciative et polémique. Très significatif est à cet égard le titre d'un ouvrage de G. Perrone, daté de 1862, L'Apostolato cattolico e il proselitismo protestante, ossia l'opera di Dio e l'opera dell'uomo. De nos jours, en particulier dans l'usage du Conseil œcuménique des Églises, « prosélytisme » est franchement péjoratif. C'est l'usage qui le veut ainsi. À le considérer en lui-même, prosélytisme pourrait se rapprocher d'apostolat qui, lui, reste pur. L'apostolat a cependant aussi ses dangers dans la mesure, précisément, où il s'apparente au prosélytisme.
L'objet et la source
On définira positivement l'apostolat par son objet, par son origine ou sa source, enfin par sa forme et sa loi interne.
Il s'agit toujours, de façon plus ou moins immédiate, du bien total et absolu de la personne humaine et de l'humanité, puisqu'il s'agit toujours, de façon plus ou moins immédiate, de l'accomplissement par l'homme de sa destinée dernière et totale, de son « avenir absolu » en Jésus-Christ. Il faut cependant noter deux points. D'abord, il y a les moyens de l'apostolat ; il y a même les moyens du salut : celui-ci se poursuit dans une Église qui a ses organisations, ses traditions, sa vie historique, ses ressources matérielles, etc. Ensuite, l'apostolat, étant co-extensif et pratiquement identique à la mission de l'Église, comporte, comme celle-ci, deux domaines : non seulement convertir les hommes à la foi et les faire entrer dans le peuple de Dieu-Corps mystique du Christ (c'est l'objet premier et principal) ; mais, en second lieu, influer sur le temporel en cela même où il reste temporel et Monde (non Église), de façon qu'il soit plus conforme à Dieu, qu'il reflète mieux le visage de celui-ci tel qu'il s'est manifesté en Jésus-Christ, qu'ainsi il réalise mieux sa propre nature profonde et qu'enfin il rende gloire à Dieu. C'est ce qu'on appelle parfois la « consécration du monde » (Pie XII ; Vatican II), qu'il ne faut pas concevoir comme une sacralisation de type ecclésiastique ou liturgique, mais comme la réalisation de la volonté de Dieu dans les structures du monde demeurant profanes, laïques, autonomes dans leur vérité séculière ou mondaine (car Dieu les a voulues telles). Texte classique : « Tout restaurer dans le Christ. Restaurer dans le Christ non seulement ce qui incombe directement à l'Église en vertu de sa divine mission qui est de conduire les âmes à Dieu, mais encore ce qui découle spontanément de cette divine mission, la civilisation chrétienne dans l'ensemble de tous et de chacun des éléments qui la constituent. » (Pie X, encyclique Certum propositum du 11 juin 1905 ; cf. Ap. Act., nos 6 et 7).
Bien que l'apostolat vise des résultats, sa loi n'est pas celle de la rentabilité. Il vise à changer quelque chose dans la vie des hommes, mais pas de façon mécanique : il s'adresse à leur liberté. Et, surtout, il est déterminé de façon décisive par la source qui suscite son dynamisme. On a montré (A. Nygren) que l' agapê, ou charité, est un amour qui se pose par lui-même et qui rayonne parce que, étant amour, il veut donner : il n'est pas captatif, il ne cherche pas à gagner quelque chose, il donne, parce qu'il aime. La mission et l'apostolat viennent de cette source-là. Ils découlent de l'envoi de Jésus-Christ et de son Saint-Esprit (Pentecôte) par le Père, qui est le Principe sans principe (cf. Vatican II, décret Ad gentes sur les missions, nos 2-5). L'apostolat procède de l'amour que Dieu a pour les hommes et pour leur salut, par une sorte de cascade qui descend du Père au Fils et à l'Esprit, d'eux aux apôtres et des apôtres à l'Église de tous les temps (cf. Jean, xvii, 17-19 ; xx, 19 s. ; I Jean, i, 1-3 ; Clément, Première Epître aux Corinthiens, xcii, 1-2 ; Tertullien, Prescr., xxi, 4 ; xxxvii).
Forme et loi interne de l'apostolat
L'apôtre n'est pas un propagandiste : il est le lien vivant entre le Dieu vivant et saint et les hommes. Il doit réaliser une certaine qualité de vie. Toutes les fonctions sacrées les requièrent, mais pas avec la même rigueur d'exigence. Thomas d'Aquin note que les apôtres ont fait administrer le baptême par d'autres tandis qu'ils se sont réservé l'acte de la parole. C'est que, dit-il, la prédication engage beaucoup et suppose plus de dons et de dispositions personnels que la célébration des sacrements. Or la parole est, tôt ou tard, le moyen privilégié de l'apostolat. Si la source de l'apostolat est en Dieu, l'apôtre doit être ductile à l'action de Dieu, de sa grâce. Il y a toute une déontologie ou, si l'on veut, une spiritualité de l'apostolat : primauté de l'union à Dieu et d'une intention théologale. Si le chrétien cherche Dieu, Dieu lui donnera son action, c'est-à-dire une participation à sa propre action salvatrice. C'est pourquoi les instituts contemplatifs sont profondément apostoliques (Pie XII). La loi de l'apostolat est de s'offrir soi-même à Dieu dans le sentiment de sa propre faiblesse, sans autosuffisance ni autoconfiance, et de chercher son appui dans la force de Dieu(cf. II Cor., xii, 9 ; Col., i, 24). Certes, l'apostolat a aussi ses organisations et ses moyens humains, parfois même il en met en œuvre de puissants : locaux, presse et publications, radio et télévision, congrès, écoles de formation, enquêtes, etc. On peut calculer ce que coûte par an la formation d'un missionnaire. Pourtant, tout cela n'est que le corps de l'apostolat ou son conditionnement ; il n'y a apostolat que si Dieu opère par sa grâce.
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Écrit par
- Yves CONGAR : professeur à l'Institut catholique de Paris
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