APPAYYADĪKṢITA
Brahmane né dans une famille de lettrés qui était illustre dès le xve siècle et qui appartenait aux cercles cultivés du pays tamoul, le Bharadvājakula, Appayyadīkṣita est la figure la plus marquante de l'histoire religieuse et littéraire du xvie siècle. Il naquit dans le village d'Aḍaiyapalam près de Velūr (Vellore), au sud de l'Inde, reçut la protection des rois Venkaṭa Ier de Pennukoṇḍa, Cinna Timma et Cinna Bomma de Velūr, participa à de nombreux débats religieux ou scolastiques dans toutes les grandes cours royales et dans les centres intellectuels du pays tamoul. Il mourut à Ciḍambaram vers 1593. La légende s'est très vite emparée de son personnage et l'a sanctifié, lui prêtant nombre de miracles, faisant de lui un avatar de Śaṇkara. Les colophons de ses ouvrages, de même que l'inscription sans doute rédigée par lui en 1582 sur le mur d'un temple qu'il avait fondé dans son village d'Aḍaiyapalam, lui attribuent cent quatre ouvrages. On en possède aujourd'hui seulement la moitié, beaucoup d'autres qui lui sont attribués étant d'une authenticité très incertaine. La partie la plus importante de cette œuvre est constituée par les polémiques religieuses. Dans le domaine du vedānta, de l'interprétation des Upaniṣad, il a défendu l'advaita, la vue de l'unité du brâhmane et du monde phénoménal, contre le dvaita, la vue de leur différence, dans une critique de Madhva, le Madhvatantramukhamardana. S'il s'est radicalement opposé au dvaita, il a en revanche accepté les diverses formes d'advaita, défendant tour à tour celui de Śaṇkara (Parimala, troisième sous-commentaire sur le brahmasūtrabhāśya de Saḥkara, Nayamañjarī, Nyāyarakṣāmaṇi, Siddhāntaleśasaṃgraha), celui de Rāmānuja (Nayamayūkhamālikā), celui de Śrīkaṇṭha (Śvārkamaṇidīpikā, commentaire du Śrīkaṇṭhabhāśya, Śivādvaitanirṇaya, Nayamaṇimālā, Śikhariṇīmālā avec son commentaire Śivattatvaviveka, Ānandalaharī). Brahmane smārta avec une inclination shivaïte, il a laissé, à côté d'un hymne à Viṣṇu (Varadarājastava), nombre d'hymnes dédiés à Śiva ou Pārvatī (Apītakucāmbastava, Ātmārpaṇastuti, Durgācandrakalāstuti, Nigrahāṣhṭaka, Brahmatarkastava, Mānasollāsa, Śivakarṇāmṛta, Śivamahimaḳalikāstava). Son inclination shivaïte lui a fait composer un certain nombre d'ouvrages sectaires destinés à exposer ou à défendre des points de vue shivaïtes sur des questions de rituel ou de théologie : Śivārcanācandrikā, Śivadhyānapaddhati, Śivapūjāvidhi, Bhasmoddhūlaṇavādāvalī, Ṇatvabābhavivṛti, Taptamudrādhāraṇanirāsa, Gayatrīśivaparatvasamarthana, Rāmāyaṇatātparyasaṃgraha, Bhāratatātparyasaṃgraha, Pañcaślokī. Il a aussi exercé son talent dans la controverse sur de nombreux problèmes de scolastique, en grammaire (Pāṇiniyatantravādanakṣatramālā), en poétique (Kuvalayānanda, Citramīmāṃsā, Laksaṇaratnāvalī, Vṛttivāttika), en mīmāṃsa (Vidhirasāyana, Mayūkhāvalī, commentaire sur la Śāstradīpikā, Citrapaṭa). À noter enfin un commentaire célèbre sur le poème vichnouïte de Vedāntadeśika, le Yādavābhyudaya. Modèle du brahmane lettré, érudit dans toutes les disciplines, virtuose dans la controverse, il apparaît comme d'autant plus important dans l'histoire qu'il semble avoir été considéré comme une autorité suprême en matière d'interprétation des Upaniṣad aussi bien qu'en matière de rituel et de technique religieuse, par l'immense groupe des smārta du sud de l'Inde. Encore aujourd'hui, son enseignement inspire, par exemple, le temple de Kāñcipuram, qui est le principal guide de la vie religieuse dans l'hindouisme tamoul.
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Écrit par
- Pierre-Sylvain FILLIOZAT : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
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