APPELANTS, histoire religieuse

Jansénistes, adversaires de la constitution Unigenitus au xviii^e siècle. La « paix de l'Église », imposée par Clément IX, en 1668, aux querelles autour du jansénisme, a régné à peu près, surtout en France, jusqu'au pontificat de Clément XI (élu en 1700). En 1702, un « cas de conscience », signé de quarante docteurs de Sorbonne, déclara suffisante, sur la « question de fait » (la présence effective, dans l'Augustinus de Jansénius, des cinq propositions condamnées), une soumission de silence respectueux. Le « cas de conscience » fut condamné par Rome, et le silence respectueux banni par la bulle Vineam Domini (16 juill. 1705). Les attaques des « molinistes » et des Jésuites se précisent contre Quesnel, porte-parole du parti adverse, dont les Réflexions morales sur le Nouveau Testament, parues depuis 1671, sont alors condamnées à Paris, puis à Rome.

En 1713, Clément XI publie, dans la constitution dogmatique Unigenitus, cent une propositions condamnées, extraites du livre de Quesnel. Pour l'essentiel, ces propositions portaient sur la grâce et sur la prédestination. La constitution ne fut pas reçue en France sans de grandes difficultés, qui tiennent à l'opposition gallicane, mais surtout à un réveil du parti janséniste : le 1^er mars 1717, quatre évêques (Mirepoix, Montpellier, Senez, Boulogne) interjettent un appel, par un « acte » qui vaut le qualificatif d'« appelants » aux opposants de la constitution Unigenitus, partisans de Quesnel. En septembre 1718, Clément XI excommunie, par la bulle Pastoralis Officii, ceux qui ne reçoivent pas la constitution. Un nouvel appel est introduit contre cette décision, non seulement par les quatre évêques appelants, mais par l'Église d'Utrecht et par de nombreux prêtres.

La mort de Quesnel, en 1719, puis celle de Clément XI, en 1721, marquent un temps d'accalmie : les appelants perdent des partisans avec le temps (en particulier, le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, qui finit par accepter la constitution Unigenitus, à soixante-dix-sept ans, en 1728). Le pontificat d'Innocent XIII (1721-1724) n'est guère propice à leur cause. Un espoir naît au début du pontificat de Benoît XIII, un dominicain favorable à l'augustinisme. Mais le nouveau pape ne veut pas désavouer ses prédécesseurs. Une série de mesures défavorables aux appelants aboutit à la réunion d'un concile provincial, à Embrun, où Mgr de Soanen, évêque de Senez et principal appelant, est déposé et exilé dans son abbaye de La Chaise-Dieu (1727).

Le triomphe de la constitution en France (triomphe contesté, du reste, par les mouvements populaires qui prennent naissance autour du tombeau de Pâris, à Saint-Médard) n'a pas été aussi rapide en Italie et aux Pays-Bas : l'Église d'Utrecht refusa sans cesse de l'accepter, tandis que le jansénisme italien, plus politique et rationaliste que le jansénisme français et appuyé sur les loges maçonniques, se constituait fermement : le synode de Pistoie, réuni en 1786 par Scipion Ricci (1741-1810), reprit les principales thèses gallicanes et jansénistes ; ses décisions furent condamnées par la bulle Auctorem fidei, en 1794. La querelle disparut dans les grands bouleversements européens du début du xix^e siècle (sauf dans l'Église janséniste d'Utrecht).

— Jean-Robert ARMOGATHE