APPRENTISSAGE DE L'ÉCRITURE
À l’heure de la généralisation des usages de communication électronique, on peut s’interroger sur la nécessité qu’il y a à exiger encore du jeune enfant d’apprendre à écrire à la main. Toutefois, tous les travaux entrepris ces dernières années à ce sujet témoignent de liens étroits entre apprentissage de l’écriture manuscrite, apprentissage de la reconnaissance visuelle des lettres et apprentissage de la lecture, faisant de l’acquisition de l’écriture manuscrite une contribution essentielle à l’entrée de l’enfant dans la « littératie » (le langage écrit). Il demeure donc important pour l’enfant de réussir cet apprentissage complexe, d’autant plus qu’il est largement démontré que des difficultés dans celui-ci s’accompagnent souvent de performances scolaires perturbées, et d’une fragilité dans l’estime de soi, affectant ainsi directement la réussite académique future. Comment expliquer ce lien entre écriture et performances scolaires ultérieures ? On apprend à écrire pour exprimer des idées, pour prendre des notes, pour communiquer, pour restituer des connaissances. Si l’enfant doit porter son attention et une partie de ses ressources cognitives sur son écriture, par insuffisance d’automatisation de cette activité, alors il ne pourra en consacrer suffisamment aux activités cognitives de plus haut niveau, de réflexion et d’organisation de la pensée, qui se déroulent nécessairement en parallèle à l’exécution mécanique du geste graphique. Inversement, si l’enfant souffre de difficultés au niveau des traitements cognitifs supérieurs, alors des répercussions au niveau inférieur de l’exécution motrice pourront s’observer, surtout sous forme de ralentissement. Les influences sont donc bidirectionnelles entre l’activité cognitive et la mécanique de l’écriture.
Écrire : un long apprentissage
Écrire, c’est à la fois produire des morphocinèses, c’est-à-dire des gestes qui développent dans l’espace graphique les formes caractéristiques de chaque lettre, et des topocinèses, c’est-à-dire des mouvements qui assurent l’organisation spatiale de l’écriture dans l’espace, comme l’espacement entre les mots, le maintien d’une ligne de base, etc. C’est aussi apprendre à adopter une posture qui libère au mieux les mouvements du membre supérieur dominant, tout en garantissant un appui du corps suffisant et un contrôle visuel optimal sur la trace écrite produite, apprentissage très lent qui n’est achevé que vers dix-douze ans. Enfin, c’est encore apprendre à utiliser une saisie mature et adaptée de l’instrument scripteur, ce qui s’établit vers sept-huit ans, et peut évoluer par la suite, plusieurs types de tenue du crayon pouvant donner lieu à des écritures tout aussi lisibles et rapides. Qu’est-ce qui, dans l’apprentissage de l’écriture, peut donc donner lieu à la formation d’automatismes, pour que cette activité soit au service plutôt qu’une entrave à la pensée ? Les scientifiques s’accordent à reconnaître que ce sont les programmes moteurs responsables de la production des lettres qui doivent s’automatiser pour que celle-ci libère des ressources attentionnelles de l’enfant, comme, à un niveau hiérarchique plus élevé, la récupération automatique de la forme orthographique des mots contribuera également à dégager les ressources cognitives nécessaires à la production du texte visé. Les premières lettres de l’enfant de cinq-six ans sont cabossées, retouchées, avec des tailles trop grandes, des courbures inappropriées. Le tracé est incertain, lent, sans fluidité, les mouvements étant sous un contrôle perceptif, visuel, proprioceptif et kinesthésique constant (on parle de contrôle rétroactif). La vitesse augmente de manière continue au travers les âges. Une première automatisation des gestes apparaît vers huit-neuf ans, avec la production d’une écriture à la fois lisible et fluide en grande partie indépendante de feedback (ou retours) perceptifs pour[...]
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Écrit par
- Annie VINTER : professeure des Universités
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Média