APPRENTISSAGE DE LA LECTURE
Les mécanismes de l’apprentissage de la lecture
Pour apprendre à lire, l’enfant dispose de deux mécanismes. Le premier c’est l’apprentissage « par cœur » de la forme visuelle des mots. Ce mécanisme est limité car, dans la majorité des systèmes d’écriture, les mots sont composés d’un petit nombre d’éléments – les lettres dans les systèmes alphabétiques – ce qui rend les mots visuellement peu distincts. Apprendre par cœur nécessiterait la mémorisation des milliers de combinaisons de ces mêmes éléments, combinaisons susceptibles d’être confondues. Ce type d’apprentissage serait comparable à la mémorisation d’un annuaire téléphonique : à moins de composer chacun des chiffres correctement et dans le bon ordre, la connexion échouera. Il se peut que quelques rares individus soient capables de mémoriser des annuaires téléphoniques entiers, mais la tâche semble gigantesque pour un enfant qui doit apprendre des milliers de mots à l’école primaire.
D’où l’importance du second mécanisme, le décodage ou déchiffrage, qui consiste à trouver pour chaque symbole le son correspondant. Le décodage est au cœur de l’apprentissage de la lecture. Son efficacité repose sur deux bases : d’une part, les symboles de la majorité des systèmes d’écriture (par exemple, les lettres) correspondent de façon relativement systématique à des sons de la parole (les phonèmes) ; d’autre part, l’enfant connaît la forme phonologique d’un grand nombre de mots avant l’apprentissage de la lecture. C’est ainsi que l’apprentissage d’un petit nombre de relations lettres-sons (le b.a.-ba) permet à l’enfant de décoder ou déchiffrer des mots qu’il n’a jamais vus auparavant mais dont il connaît la forme phonologique et la signification. La mise en route de ce mécanisme nécessite d’abord un apprentissage explicite (avec maître) de quelques règles ou associations simples et fréquentes permettant de transformer les symboles en sons. Selon les systèmes orthographiques, cette phase peut être plus ou moins complexe et prendre ainsi plus ou moins de temps. Dans les systèmes dits transparents, chaque lettre correspond à un seul phonème (c’est le cas du finlandais), tandis que dans les systèmes plus opaques la même lettre peut avoir plusieurs prononciations, comme la lettre a en anglais qui se prononce différemment dans car, was et made. Les problèmes de transparence orthographique mis à part, se pose aussi la question de la complexité orthographique. Dans certaines langues, comme le français, il faut apprendre les correspondances pour les lettres individuelles (o prononcé /o/ et u prononcé /y/) mais aussi celles de certains groupes de lettres (ou prononcé /u/). Ces différences interlangues déterminent la facilité avec laquelle le mécanisme de décodage peut se mettre en place, et expliquent pourquoi un enfant finlandais apprend les bases de la lecture en quelques semaines, tandis qu’un enfant anglais attend la fin de l’année scolaire (ou plus) pour arriver au même résultat.
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Écrit par
- Jonathan GRAINGER : directeur de recherche au CNRS
- Johannes ZIEGLER : directeur du laboratoire de psychologie cognitive, université d'Aix-Marseille
Classification
Média