APPRENTISSAGE DE LA PRODUCTION ÉCRITE DE TEXTES
Évolution de la production de textes
L’apprentissage de la production de textes et l’accès à l’expertise mobilisent à la fois les capacités de la mémoire de travail et les aptitudes métacognitives de réflexion sur l’écrit. Globalement, les processus rédactionnels n’apparaissent pas tous en même temps et se complexifient progressivement.
Au début de la scolarité primaire, le premier processus à apparaître est l’exécution graphomotrice, rapidement suivi par la formulation qui permet les premières productions orthographiques, puis la génération de textes. Ainsi, ce serait seulement après avoir maîtrisé la graphie des lettres que le jeune rédacteur pourrait générer ses premières formes écrites, s’articulant d’abord autour du mot, puis de la proposition, de la phrase et enfin, du paragraphe. Avec l’âge, la révision puis la planification apparaissent progressivement, sans qu’elles n’entretiennent forcément de relations entre elles ou avec la formulation. Tout se passe comme si ces trois processus fonctionnaient de façon autonome, c’est-à-dire sans que le résultat des traitements de l’un n’influe sur les traitements en cours ou à venir de l’autre. Progressivement, à partir de neuf-dix ans, avec l’installation des programmes moteurs, l’exécution graphomotrice s’automatise, libérant ainsi des ressources cognitives pour les autres processus. La formulation et la planification deviennent plus complexes, via le recours à des plans de texte et à des connaissances relatives aux genres discursifs. La révision porte sur des portions de texte plus importantes, pouvant aller jusqu’au paragraphe. Au collège, les traitements assurés par les processus rédactionnels se complexifient, notamment grâce à l’automatisation des traitements graphomoteurs et orthographiques qui, en libérant des ressources cognitives en mémoire de travail, permet la mise en œuvre et l’interaction de processus plus exigeants (comme la révision et la planification). C’est le début de l’accès à l’expertise, toutefois toujours contrainte par les ressources limitées de la mémoire de travail et l’étendue des connaissances métacognitives sur l’activité. Ultérieurement, la mise en place de stratégies de plus en plus expertes permet d’aboutir à des textes dont l’organisation devient plus sophistiquée et plus adaptée au but communicatif.
Ainsi, l’évolution vers l’expertise rédactionnelle consiste en un passage progressif d’une planification très locale du contenu du texte (mise en mots des idées au fur et à mesure de leur génération, sans anticipation ni réorganisation) à une planification globale, proche d’une activité de résolution de problèmes (adaptation et modification du contenu et de la forme linguistique du texte, en fonction des buts et des paramètres textuels et contextuels).
Le premier mode de rédaction permet aux rédacteurs novices de produire un texte avec un faible coût cognitif, essentiellement en transférant des connaissances conversationnelles ou orales à l’écrit. Les textes produits prennent le plus souvent la forme d’une juxtaposition d’énoncés, reliés conceptuellement ou temporellement, mais ne tenant compte ni du destinataire, ni des paramètres contextuels de la production. Ce mode de rédaction s’opère au détriment de la qualité du texte, mais peut être utile et suffisant dans certains cas particuliers, comme la rédaction des cartes postales de vacances.
Le second mode rédactionnel, plus tardif, requiert des connaissances plus nombreuses, plus sophistiquées et est cognitivement plus coûteux. Ce mode expert nécessite que le rédacteur adapte et révise son texte jusqu’à ce que la production corresponde à ses intentions et exigences rhétoriques, linguistiques et pragmatiques. Ceci implique un allongement du temps alloué à la planification du texte, processus devenu clé de la rédaction de texte. Le facteur favorisant[...]
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Écrit par
- Denis ALAMARGOT : professeur des Universités, enseignant-chercheur en psychologie du développement et en psychologie cognitive
- Lucile CHANQUOY : professeure des Universités en psychologie du développement cognitif, directrice adjointe de l'UMR 7320 Bases, corpus, langage (CNRS - université de Nice-Sophia- Antipolis)
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