APPRENTISSAGE DES LANGUES ÉTRANGÈRES
Les recherches sur l’apprentissage des langues étrangères ont d’abord été liées au domaine de la psycholinguistique, puis à celui du bilinguisme. Elles prennent actuellement davantage en compte les concepts de la psychologie cognitive : modalités d’apprentissage, automatisation, coût cognitif.
En lien avec la psycholinguistique, on a montré que la structuration progressive du système de la langue maternelle peut constituer un obstacle à la construction efficace d’un autre système. Dans le domaine phonologique, on sait que la perception des sons du langage est fortement déterminée par le système des oppositions pertinentes spécifique à chaque langue. On peut montrer que les oppositions pertinentes dans une langue étrangère sont difficilement perceptibles si elles ne le sont pas dans la langue maternelle : c’est ainsi que les Japonais, dont la langue n’utilise pas la distinction entre l et r, peuvent éprouver des difficultés à entendre et à reproduire ces sons dans une autre langue ; de même, les francophones, pour qui la distinction entre voyelles brèves et voyelles longues n’est pas pertinente, peuvent éprouver des difficultés à entendre et reproduire cette distinction dans d’autres langues (füllen et fühlen de l’allemand, par exemple). Dans le domaine syntaxique, les caractéristiques de chaque langue induisent des stratégies variables du traitement des phrases : certaines langues (italien) permettent de varier l’ordre des mots pour exprimer leur importance relative ; cet ordre est davantage fixé dans les langues qui expriment les relations entre les mots par des marques morphologiques (français, allemand).
La psycholinguistique a longtemps été marquée par la référence à la théorie chomskyenne et à ses pendants biologiques, fondés sur la notion de « période critique ». Les capacités humaines spécifiques d’acquisition des langues sont supposées innées, et disponibles uniquement durant une période limitée du développement de chaque individu. Cette notion a permis de recueillir des données importantes sur les conditions d’acquisition de la langue maternelle, mais aussi sur les conditions d’acquisition de deux langues en situation naturelle (bilinguisme) : l’âge d’acquisition, dans les deux cas, constitue un déterminant important. S’agissant de l’apprentissage d’une langue étrangère, et notamment en situation scolaire, on relativise maintenant ce facteur, au profit d’un autre facteur : la durée d’exposition à la langue. Des recherches récentes fondées sur l’imagerie cérébrale confirment que le degré de maîtrise d’une langue étrangère est lié à des variations dans les structures cérébrales impliquées, mais que ces variations dépendent plus de la durée de l’apprentissage que de l’âge auquel il a été réalisé.
Dans le cadre de la psychologie cognitive, de nombreuses recherches sur l’apprentissage des langues étrangères font référence à la distinction entre apprentissage implicite et apprentissage explicite. S’agissant des langues, l’apprentissage implicite concerne les acquisitions spontanées qui peuvent se faire par simple exposition à la langue. Il constitue le mode d’acquisition essentiel de la langue maternelle, tout au moins à l’oral. Il peut être mis en œuvre pour une deuxième langue dans diverses circonstances : en situation naturelle d’immigration ou de séjour prolongé à l’étranger, mais aussi en situation scolaire d’immersion plus ou moins totale dans la langue cible. La notion d’apprentissage explicite fait référence aux acquisitions scolaires, qui passent par l’apprentissage de constituants de la langue (lexique, règles syntaxiques…), qui peuvent être ensuite exploités sous forme d’exercices ou d’interactions visant à simuler des situations naturelles.
Une première question se pose concernant l’efficacité relative de chacune de ces modalités.[...]
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Écrit par
- Daniel GAONAC'H : professeur émérite, université de Poitiers
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