AQUEDUCS, Antiquité
Dans le vocabulaire courant, le terme aqueduc évoque essentiellement les arches du pont qu'empruntait le canal d'amenée de l'eau, comme un viaduc est un pont permettant le passage d'une voie ferrée ou d'une voie routière. Ces arches ne sont que la partie la plus spectaculaire d'ouvrages qui pouvaient être très longs et avoir 10, 20, 100 et même 132 kilomètres dans le cas de l'aqueduc de Carthage. D'ailleurs, un aqueduc ne comporte pas forcément des ponts, il en est même d'entièrement souterrains comme l'aqueduc de Bologne. L'essentiel est évidemment le canal lui-même, qui était couvert dans le cas étudié ici d'un aqueduc urbain, découvert lorsqu'il s'agissait d'un ouvrage d'irrigation. La longueur du canal peut être un chiffre trompeur traduisant plutôt une limite financière ou une incapacité technique à construire des ouvrages d'art obligeant à faire de longs détours : ce qui compte, c'est la distance de la source au point d'arrivée. Un exemple concret le montre bien : en 145 avant J.-C., le consul Marcius Rex entreprit la construction d'un aqueduc auquel il laissa son nom, l'Aqua Marcia, qui mesurait 97,27 km de long. Deux siècles plus tard, en 50 après J.-C., l'empereur Claude fit construire un nouveau canal dont la tête se trouvait à seulement 150 mètres du précédent ; il ne mesurait que 68,93 km. Enfin, lorsqu'en 1870 le pape Pie IX dota Rome d'un aqueduc, il utilisa les mêmes sources ; mais l'ouvrage ne nécessita alors que 52 kilomètres de canalisation. De telles différences s'expliquent simplement par les progrès techniques accomplis.
Qu'est-ce qu'un aqueduc ?
Le canal commence par un captage des eaux qui varie selon la nature du terrain : captage d'une source vauclusienne, drains dans un terrain aquifère, captage dans une rivière, ou dans un barrage... Contrairement à une idée répandue explicable par la célébrité du Nymphée de Zaghouan en Tunisie, le captage n'est pas systématiquement « monumentalisé » par un sanctuaire des eaux. C'est à l'arrivée de l'aqueduc dans la ville que l'on construisit de préférence, comme aux xviie et xviiie siècles, ces fontaines monumentales que sont les nymphées.
Dans le cas le plus simple, celui où il est possible de suivre les courbes de niveau, le canal est placé dans une tranchée protectrice dont les abords sont frappés d'une servitude. On y accède par des regards placés à intervalles réguliers qui permettent de pénétrer dans la canalisation pour la nettoyer ; mais, dans la réalité, leur répartition paraît moins régulière que ne le prescrit Vitruve. C'est le rivus subterraneus de Frontin. La construction d'un mur de soutènement (substructiones) est nécessaire lorsque le versant devient trop pentu ou lorsque le canal doit franchir un accident de terrain : vallée, dépression ou abaissement de la ligne de crête. Le plus souvent, le mur de soutènement est plein et construit selon la technique du blocage, l'opus caementicum des Romains : à l'intérieur d'un espace délimité par deux murs (parements) ou par un coffrage de planches, on coule des couches de pierres et de mortier, parfois sans compression. Lorsque ce mur atteint une certaine hauteur, en général de l'ordre de 2 mètres, il devient nécessaire d'alléger la maçonnerie ; des arches (opus arcuatum) prennent alors le relais des murs de soutènement.
Le canal ou specus, où circule l'eau, est la partie essentielle de l'ouvrage. Une plate-forme en maçonnerie de mortier de chaux et de petits agrégats, le radier, est aménagée sur le mur de soutènement qui vient d'être décrit ou bien au fond d'une tranchée creusée soit à flanc de colline, soit sur un terrain plat. Normalement au bord du radier, on monte les deux pieds-droits.[...]
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Écrit par
- Philippe LEVEAU : professeur à l'université de Provence (Antiquités nationales)
Classification
Médias
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