AQUEDUCS, Antiquité
Les ouvrages d'art : de l'« opus arcuatum » aux grands ponts
Dans les aqueducs antiques, l'eau circule ordinairement sous l'effet de la pression atmosphérique par simple écoulement gravitaire. Si le canal suit les courbes de niveau, son tracé est extrêmement sinueux puisqu'il doit remonter tous les vallons afin de les franchir à niveau. On en vint donc à construire des ouvrages d'art, tunnels sous les cols ou ponts au-dessus des vallées, afin de couper au plus court. On pouvait aussi vouloir maintenir la canalisation à un niveau élevé pour permettre l'arrivée à une plus grande hauteur et éviter les risques de prélèvement de l'eau par les riverains.
Pour les parties en opus arcuatum (appareil à arches), on édifie deux piles ou massifs, entre lesquels on bâtit sur cintre des arcs de tête constitués de briques ou de moellons de toutes formes. Au-dessus de ces arcs de tête, on monte les parements entre lesquels la maçonnerie de l'arche est coulée. Celle-ci est constituée d'une série d'assises construites par couches horizontales dans la continuité des piles. De la sorte, les arcs de tête, qui ont servi d'ossature pour la construction de l'arche elle-même, contribuent à la solidité de l'ensemble de l'ouvrage. Enfin, au-dessus, on construit un radier destiné à porter le canal.
De l'opus arcuatum, on passe progressivement aux grands ponts qui ont frappé l'imagination. Le plus important d'entre eux est, avec ses 48,77 m, le pont du Gard, par lequel l'aqueduc de Nîmes franchit le Gardon. D'autres approchent une hauteur similaire : le pont de l'aqueduc de Carthage sur l'oued Miliane a une quarantaine de mètres de hauteur ; d'après Frontin, les arches de l'Anio Novus à Rome atteignaient 109 pieds, soit 36 m. Les plus remarquables sont les ponts à trois niveaux qui permettent d'atteindre des hauteurs de l'ordre de 30 m ; c'est en particulier le cas des aqueducs de Tarragone (30 m), de Ségovie (31 m) en Espagne, du chabet Ilelouîne à Cherchel en Algérie (30 m), du pont sur la Moselle à Metz (32,50 m). Les ponts à deux niveaux permettaient de porter la canalisation à une hauteur de l'ordre de 20 m, comme dans les arches de l'Aqua Claudia à Rome.
L'ouverture des arches est tout aussi importante que la hauteur du pont. Il convient là de distinguer deux cas. Dans le premier, celui des plus longs parcours sur arches, celles-ci ont pour fonction de réduire la quantité de maçonnerie nécessaire et donc les coûts d'un mur ; des ouvertures de 5,50 m à 5,20 m conviennent alors. Dans le second, une large ouverture est nécessaire pour franchir un ravin profond ou bien une rivière aux crues violentes. On rejoint alors le problème posé par la construction des ponts routiers. Là encore, le pont du Gard se distingue par ses deux arches de 24,52 m et ses 19,20 m d'ouverture. Les Romains savaient construire des arches encore plus larges : 25 m au pont Aemilius à Rome, dès la fin du iie siècle avant J.-C. ; de 22 à 24 m pour les quatre arches du pont sur la Nera près de Narni, sous Auguste ; de 34 à 38 m pour les arches du pont d'El Kantara qui, sous Trajan, permit à une voie de franchir le Tage à une hauteur de près de 54 m.
La technique la plus usitée dans la construction des ponts consistait à monter des piles dont le fruit (inclinaison) était réalisé soit par une série de décrochements en gradins, soit par une inclinaison régulière du mur donnant un profil trapézoïdal. L'importance de ce fruit transversal est liée à la possibilité d'implanter des fondations. Ainsi, sur l'aqueduc de Cherchel, selon la nature du terrain, le fruit des piles des différents ponts varie de 3,5 p. 100 à 5,9 p. 100. Une autre solution consiste à construire des contreforts latéraux. On en connaît aussi bien sur l'aqueduc de Fréjus[...]
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Écrit par
- Philippe LEVEAU : professeur à l'université de Provence (Antiquités nationales)
Classification
Médias
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