GÜLER ARA (1928-2018)
Avec l’exposition Ara Güler, Lost Istanbul, années 50-60 et le livre Istanbul, préfacé par le Prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, la Maison européenne de la photographie et les éditions du Pacifique célébraient en 2009 l’œuvre d’un artiste aussi impliqué dans sa ville qu’ont pu l’être le cinéaste Federico Fellini avec Rome ou l’écrivain Albert Cossery avec Le Caire.
Ara Güler naît le 16 août 1928 dans le quartier Beyoğlu d’Istanbul. Il est le fils d’un pharmacien arménien, Tatjat Terterian, originaire de la petite ville anatolienne de Şebinkarahisar, et de Verjin Chahinian, issue d’une famille arménienne d’Égypte. L’enfant, qui a dû comme les siens « turquiser » son nom, grandit au sein d’une famille éclairée qui lui procure une éducation dans deux établissements arméniens, l’école Mkhitarian et le renommé lycée Getronagan. Bon élève, ouvert aux activités artistique et théâtrale, Ara Güler hésite d’abord entre la peinture, le cinéma et une carrière d’acteur. Reçu en 1948 à l’École dramatique d’Istanbul, il découvre à l’âge de vingt ans la pratique de la photographie. Ce qui relevait du loisir devient un moyen d'expression sensible, autonome et immédiat, ouvrant une carrière dans le journalisme. Apprécié par la rédaction de Yeni Istanbul, Ara Güler réalise dès 1949 ses premiers reportages pour le tout jeune quotidien de centre gauche. Les études supérieures en économie qu’il entreprend en 1951 à l’université d’Istanbul n’entraveront pas ce début de carrière comme photographe de presse, conforté par sa contribution au quotidien national Hürriyet. À l’issue de son service militaire en 1961, Ara Güler, qui se voit offrir la responsabilité de chef photographe au magazine turc Hayat, entreprend de documenter activement le pays qu’il considère comme le sien, portant un regard attentif sur les importantes transformations industrielles comme sur l’Anatolie rurale et ses sites archéologiques. Ses travaux lui valent une consécration internationale, sanctionnée par son admission à l’American Society of Magazine Photographers et par les commandes régulières de titres internationaux comme Life Magazine, Paris Match ou Sternqui en font leur correspondant en Turquie. Les éditeurs d’art sollicitent à leur tour Ara Güler : le suédois Tidens pour OsteramEuphrates(1960, Pâques sur l’Euphrate) ; le suisse Skira pour Trésors de la Turquie (1966) ; l’allemand Terra Magica pour Turquie (1970) ; ou encore le britannique Thames & Hudson pour Sinan : Architect of Suleyman the Magnificent and the Ottoman Golden Age (1992).
La notoriété de Güler, photographe, reporter et illustrateur, désigné « maître du Leica » en 1962, distingué par le MoMA de New York comme un des « dix maîtres de la photographie en couleurs » en 1968, se double bientôt de la reconnaissance d’un auteur dont l’œuvre majeure se construit depuis ses débuts d’amateur autour de sa chère ville natale d’Istanbul. La section culturelle de la Photokina de Cologne en 1968 et la Bibliothèque nationale de France en 1970 ont rendu hommage au regard à la fois humaniste et impressionniste qui rapproche Güler des célébrités de son temps. Winston Churchill, le shah d’Iran, les peintres Marc Chagall, Pablo Picasso et Auguste Renoir, le penseur Bertrand Russel ou l’historien Arnold Toynbee poseront pour un artiste devenu populaire, qui reçoit ses visiteurs internationaux dans un café stambouliote nommé en son honneur « Ara Café » et qui assiste à l’édification d’un musée dédié à son œuvre, inauguré en sa présence, trois mois avant son décès survenu à Istanbul le 17 octobre 2018.
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Écrit par
- Hervé LE GOFF : professeur d'histoire de la photographie, critique
Classification
Autres références
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PAMUK ORHAN (1952- )
- Écrit par Michel BOZDÉMIR
- 2 014 mots
- 1 média
...partagé devant ce qui est condamné à disparaître. Pour évoquer sa ville, Pamuk se fait aussi historien minutieux, s'appuyant sur une documentation de grande qualité : photographiesd’Ara Güler et lithographies tirées de ses archives familiales, complétées de gravures et de peintures occidentales.