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ARABE (MONDE) Langue

Tableau socio-linguistique du monde arabe

La situation linguistique dans le monde arabophone est donc complexe. On note toujours une coexistence « horizontale » de divers parlers (parfois juxtaposés à l'intérieur d'un centre unique), qu'on pourrait opposer à la coexistence « verticale » chez le même sujet d'un dialecte et d'une langue littéraire qui peut être très distincte. Naturellement, comme partout, pour le dialecte comme pour la langue littéraire, on reconnaît des niveaux différents selon les groupes sociaux, les individus, et aussi selon les circonstances diverses de la communication. Mais l'essentiel dans la période actuelle est un double dynamisme. Pour ce qui concerne l'usage dialectal, on peut constater que, au-dessus des parlers différents dans une même région, il s'est souvent dégagé, ou est en train de se dégager, selon des processus observables, des sortes de langues de relation, non pas exactement des koïnès, mais des variétés dominantes à valeur normative qui deviennent des formes d'expression privilégiées dans les échanges les moins triviaux. Ce sont, en général, les variétés parlées dans les grandes villes par les couches sociales les plus prestigieuses. En Égypte, par exemple, la forme cairote des parlers de Basse-Égypte, en Tunisie le parler de Tunis, au Maroc le parler de Rabat, etc. Il est remarquable d'ailleurs que certaines de ces variétés commencent à déborder si largement leur domaine primitif qu'elles influent sur l'évolution de dialectes de pays voisins : ainsi, le cairote tend à imposer ses normes en dehors de l'Égypte.

Mais, jusqu'ici, aucun dialecte particulier n'a atteint le statut de langue écrite, mis à part quelques parlers non musulmans comme le maltais et, dans une moindre mesure, quelques parlers de Juifs. Certes, étant donné les grandes différences qui existent depuis fort longtemps entre les dialectes propres à chaque groupe et la langue reconnue comme langue littéraire commune par l'ensemble des peuples arabophones, il n'a pas manqué de se constituer partout des formes élevées, souvent archaïsantes, fondées sur les usages parlés, réservées à la poésie en particulier, mais aussi aux contes, aux légendes concernant les saints, etc. Il y a donc partout une forme littéraire du dialecte. Parfois, certaines de ces formes apparaissent comme des espèces de koïnès littéraires en usage dans de vastes régions (ainsi la langue du melḥūn au Maghreb).

L'autre dynamique est celle de la langue littéraire commune. Les conditions qui prévalent actuellement dans la plupart des pays arabes ont donnée une nouvelle base à son extension. La participation désormais large des populations à la vie politique, le développement considérable des médias – notamment la télévision – et surtout l'élargissement des couches sociales accédant à l'enseignement scolaire et universitaire, font que cette langue littéraire, instrument de l'enseignement, connaît maintenant une grande diffusion. Par là même, elle exerce une influence de plus en plus puissante sur les dialectes eux-mêmes.

Mais l'influence inverse n'est pas sans se faire sentir. Sous l'apparente unité de la langue littéraire commune, on constate des différenciations, à l'état naissant tout au moins, qui donnent parfois à son usage un cachet régional.

— David COHEN

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études à l'École pratique des hautes études, directeur du Centre de littérature et linguistique arabes (C.N.R.S.)

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