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ARABE (MONDE) Le peuple arabe

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Les vagues d'arabisation

Avant l'islam

Les Arabes d'Arabie se sont infiltrés il y a très longtemps dans le Croissant fertile ( Mésopotamie, Syrie-Palestine) et en Égypte. La plupart de ceux qui s'installèrent en Syrie-Palestine et en Mésopotamie s'assimilèrent à la population araméenne dont ils adoptèrent la langue en même temps qu'ils se sédentarisaient. Il se forma un certain nombre de petits États à base arabe plus ou moins aramaïsée, fortement influencés aussi par l'héllénisme : Nabatène, Iturée, Émèse, Osroène, Palmyre. Dès 401 avant J.-C., Xénophon appelle Arabie le pays situé au sud-ouest de la Mésopotamie, et c'était aussi depuis longtemps le nom de la partie de l'Égypte située entre le Nil et la mer Rouge.

Au ive siècle commencent à se former, en bordure du Croissant fertile, des États arabes satellites des empires romain et iranien. C'est de l'un des premiers souverains de ces États, Imru' l-Qays, qu'émane la plus ancienne inscription pleinement arabe (en écriture nabatéenne) datée de 328. Ces États ont une grande influence sur la Syrie-Palestine et sur la Mésopotamie qu'ils flanquaient. Au vie siècle, l'immigration arabe, dans le Croissant fertile aussi bien qu'en Arabie du Sud, semble devenir plus massive et avoir tendance à s'assimiler moins rapidement.

L'arabisation et ses limites (VIIe-XIe siècle)

Islam, expansion du VII<sup>e</sup> au X<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Islam, expansion du VIIe au Xe siècle

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Mais la grande vague d'arabisation date des conquêtes musulmanes. De 622 à 632, le prophète Mahomet (Mụhammad) crée à Médine un État théocratique arabe ayant pour base la religion qu'il fonde, l'islam. Il finit par contrôler directement ou indirectement l'ensemble des tribus et des villes de la péninsule arabe. De 633 à 643, ses successeurs conquièrent sur les empires byzantin et sassanide l'ensemble du Croissant fertile, l'Arménie, l'Iran, l'Égypte et la Cyrénaïque. La conquête du Maghreb byzantin et berbère, amorcée dès 647, est achevée peu après 700. L'Espagne est conquise de 711 à 713. À l'est, de 705 à 715, les Arabes s'emparent des bassins de l'Amou-Darya et du Syr-Darya. De 710 à 713, le bassin de l'Indus est soumis à son tour.

Cet immense empire est dirigé et exploité par les Arabes et à leur profit. La dynastie omeyyade (660-750) gouverne un empire arabe. En 750, la révolution abbasside qui établit la capitale à Bagdad en fait un empire musulman, en faisant participer une partie des classes dominantes des peuples soumis à l'exercice et aux profits du pouvoir. Dans l'empire arabe puis musulman, la diffusion de la langue arabe est assez lente au début. Elle n'est érigée en langue administrative que sous ‘Abd al-Malik (685-705). La population s'arabise grâce aux grandes villes nouvelles (Kūfa, Bạsra en Irak, Fostāt en Égypte, Kairouan en Tunisie), d'abord vastes campements où sont concentrés, en pays conquis, les Arabes avec leurs femmes et leurs enfants. Ce sont de grands marchés et les contacts commerciaux se font en arabe avec les paysans des alentours. De même les contacts s'établissent en arabe entre les maîtres arabes et les esclaves des plantations. Sous les Abbasides, on assiste à la dissémination des Arabes de souche et des premiers éléments arabisés dans les campagnes. La conversion à l'islam, qui s'accompagne d'importants avantages fiscaux et sociaux, contribue aussi à l'arabisation : une instruction religieuse sommaire comporte une certaine familiarisation avec le texte arabe du livre sacré, le Coran. La conversion s'accompagne souvent (régulièrement au début) d'une affiliation par adoption aux tribus arabes. Les convertis deviennent vraiment des Arabes.

L'arabisation est surtout d'une rapidité spectaculaire dans tout le Croissant fertile où subsistent pourtant des îlots de langue araméenne dans le Liban et l'Anti-Liban, en Irak du Nord, etc. En Égypte, elle est un peu moins rapide, et les paysans de haute Égypte en particulier continuent longtemps à parler copte. En Arabie même subsistent des parlers sudarabiques. Au Maghreb, l'arabisation est très lente. En Espagne, elle est assez rapide, mais incomplète.

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En dehors des limites de l'empire musulman, une émigration arabe assez forte (continuant l'émigration sudarabique) se produit vers l'Afrique orientale à partir surtout de l'Arabie du Sud.

La limite de l'arabisation est, vers le nord, la limite même de l'islam, l'Amanus. Vers l'est, c'est le rebord montagneux du Zagros. Au-delà, on entre en zone iranienne où pourtant sont établis des îlots très importants d'Arabes et où la langue administrative est, vers 700, devenue l'arabe aussi radicalement qu'en Syrie et en Égypte.

Cependant l'arabisation est empêchée en Iran par la formation d'États qui conservent l'arabe comme langue administrative, mais dont les dynastes se vantent de leur ascendance iranienne et protègent la culture iranienne sous une forme islamisée. Leur base sociale est la couche des propriétaires fonciers (dehqān) devenus musulmans, mais non dépossédés de leur pouvoir et restés fidèles aux dialectes iraniens. La formation de la langue littéraire persane, qui donne des productions littéraires importantes à partir de 850 environ, consolide ce refus de l'arabisation.

Progrès et reculs de l'arabisation à l'époque de la prédominance turque (XIe-XVIe siècle)

Islam, le monde musulman aux XI<sup>e</sup> et XII<sup>e</sup> siècles - crédits : Encyclopædia Universalis France

Islam, le monde musulman aux XIe et XIIe siècles

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Au xie siècle, les Turcs, originaires d'Asie centrale, infiltrés dans le monde musulman comme esclaves et comme soldats depuis deux siècles au moins, s'y emparent dans une large mesure du pouvoir politique. Mais seuls le Turkestan et l'Anatolie (celle-ci conquise par eux sur Byzance après 1071) sont turquisés. Dans l'ensemble, les populations ne semblent guère influencées, du point de vue ethnique et linguistique, par ces changements de maîtres, changements qui impliquent aussi les Kurdes iraniens, les croisés de l'Occident latin et les Mongols.

Islam, le monde musulman aux XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles - crédits : Encyclopædia Universalis France

Islam, le monde musulman aux XIIIe et XIVe siècles

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Dans l'empire mamelouk (1250-1517), dont la classe dominante est turque et qui recouvre la Syrie-Palestine, l'Égypte et l'Arabie, l'arabisation se consolide et se poursuit. En Égypte, le copte sort de l'usage courant après l'an 1000. La dernière inscription copte serait de 1327, le dernier manuscrit de 1393. Il ne subsiste que dans quelques villages chrétiens. De même la littérature syriaque est en décadence très nette à partir du xe siècle et disparaît pratiquement au xiiie. À partir de ce siècle, les dialectes araméens parlés en Mésopotamie, en Syrie et au Liban ne subsistent plus qu'à l'état d'îlots.

La Nubie est envahie peu à peu par des tribus bédouines venues d'Égypte ; l'infiltration s'accentue à partir du xie siècle. La propagande musulmane acquiert des succès importants à partir du xive siècle. Le royaume chrétien de Dongola est détruit en 1350, celui d'Aloa vers 1504. Le pays s'islamise et s'arabise en même temps dans une large mesure. C'est surtout à partir du Soudan arabisé que des groupes arabes commencent à émigrer vers l'Ouest (région du Tchad) à la fin de cette période. Les colonies arabes d'Afrique orientale se fondent en partie dans la population noire locale.

Au Maghreb, le xie siècle marque un progrès de l'arabisation par suite de l'invasion vers 1050 des tribus arabes Hilāl et Solaym. L'arabe se répand dans les campagnes. Au sud du Maroc, la Mauritanie jadis noire, puis berbérisée, islamisée sous les Almoravides (vers 1060-1145), est envahie au xive et au xve siècle par des Arabes venus d'Arabie, en premier lieu les Ma‘qil, qui arabisent dans une large mesure ce pays.

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Par contre, la langue arabe perd au cours de cette période les domaines qu'elle avait acquis en Europe occidentale : la Sicile est enlevée par les Normands (1070-1085), mais une partie importante de la population reste, encore un certain temps, musulmane et arabophone ; l'Espagne est progressivement reconquise par les chrétiens et le dernier État musulman y disparaît en 1492, la langue arabe tombant en désuétude au cours du xvie siècle chez les musulmans demeurés sur place, définitivement expulsés en 1609. Par contre, Malte, tombée aux mains des Normands en 1090 et qui garde des musulmans jusqu'à 1249, conserve un dialecte arabe jusqu'à nos jours.

La stabilisation (XVIe-XXe siècle)

Pendant cette période, la plus grande partie des pays arabes se trouve sous la souveraineté de l'empire ottoman. Mais le Croissant fertile demeure de langue arabe, quoique le turc soit (comme en Égypte et au Maghreb) la langue des éléments dirigeants. Les îlots araméens continuent à s'amoindrir. En Égypte, le copte disparaît tout à fait sauf comme langue liturgique. En Libye, de langue arabe en majorité, le berbère garde ses positions. Sur l'Algérie et la Tunisie, la domination d'Istanbul est très théorique. Mais une oligarchie de langue turque, accrue d'Européens ou de Levantins chrétiens convertis à l'islam, prédomine, tandis que l'arabisation des campagnes se poursuit. Au Maroc, le berbère continue à tenir d'importantes positions. En Mauritanie, des éléments berbères luttent, aux xviie et xviiie siècles, contre la domination arabe. Mais les émirs arabes finissent le plus souvent par l'emporter et l'arabisation se poursuit. La pénétration arabe dans la région du Tchad s'accroît sensiblement à partir de la Libye et du Soudan.

Au xixe siècle commence la colonisation ou semi-colonisation du monde arabe par des éléments européens. Des transferts de population importants n'accompagnent ce processus politique qu'en Algérie, en Libye et en Palestine. Des colonies européennes de commerçants s'établissent partout en nombre assez réduit, malgré leur importance économique. Ils sont particulièrement nombreux en Égypte. D'autres émigrations ont lieu dans la zone arabe : celles des Caucasiens musulmans après la conquête du Caucase par les Russes, des Arméniens persécutés par les Turcs, etc. Des Noirs, esclaves ou non, pénètrent constamment en Afrique méditerranéenne. En Nubie, au xvie siècle, les Foundj, Nègres nilotiques conquérants de la région, avaient adopté peu à peu l'islam et ne devaient pas tarder à s'arabiser, surtout dans les couches supérieures.

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À la fin du xixe et au xxe siècle, l'émigration arabe, pour des raisons essentiellement économiques, est importante vers l'Amérique du Nord et du Sud. Les gens d'Arabie du Sud émigrent beaucoup en Indonésie, et les Maghrébins en Europe, plus particulièrement en France, l'ancienne puissance coloniale.

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Monde arabe et arabophonie - crédits : Encyclopædia Universalis France

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Zanzibar (Tanzanie) - crédits : James Strachan/ The Image Bank/ Getty Images

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