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ARABE (MONDE) Littérature

Du XIXe siècle à nos jours : affrontement et engagement

La recherche d'une adéquation

La littérature arabe moderne naît au xixe siècle, période où se manifeste le renouveau de la pensée arabe, dans une confrontation avec l'Occident que les écrivains évoqueront à maintes reprises. On a coutume de faire remonter cette rencontre à 1798, lors de l'expédition égyptienne de Bonaparte qui marque la fin d'une ère dominée par la puissance ottomane et introduit la nécessité de s'adapter à une nouvelle réalité. La chronique de l'Égyptien Jabartī (1754-1822), qui découvre avec stupéfaction la puissance technologique des troupes étrangères, témoigne tout autant de l'étonnement suscité par les comportements des Français que de la prise de conscience d'une inadéquation avec le monde moderne. Les Arabes n'auront dès lors de cesse de rééquilibrer la balance en leur faveur. On assiste à un bouillonnement de l'activité intellectuelle dans tous les domaines de la pensée, bouillonnement dont bénéficiera largement la littérature. L'enjeu est de taille, et c'est un défi formidable qui est lancé au monde arabe. Il consiste à changer sans disparaître, à parvenir à un équilibre entre la richesse d'un patrimoine glorieux (mais qui appartient au passé) et la modernité qu'incarnent les Européens, sans tomber dans l'imitation servile de l'un ou de l'autre. Il s'agit aussi d'établir une nouvelle adéquation entre l'homme et le monde qui l'entoure, entre les Arabes et l'histoire, de fonder par conséquent une nouvelle identité. Dès le début, donc, le problème fondamental qui est posé donne lieu à un débat entre modernisme et fidélité, entre recherche de nouveaux concepts fondateurs et stricte observance de la tradition. Il se définit notamment en termes d'équilibre entre modèles arabes et occidentaux. Née de ce constat, la littérature arabe moderne est étroitement liée à l'histoire et incontestablement engagée dans une actualité qui n'a jamais cessé d'être douloureuse et agitée.

C'est au Liban que débute le mouvement auquel on donnera le nom de Naḥda (« renaissance »). Le terme évoque littéralement l'action de se lever, notamment au moment du réveil, exprimant ainsi l'idée que les Arabes se sont assoupis sur l’évocation du passé jusqu'à cette date. Le Liban entretient alors des liens privilégiés avec l'Occident, par son activité commerciale et, surtout, par la présence sur son sol de missions religieuses étrangères actives dans le domaine de l'alphabétisation et de l'instruction. Les hommes de la Naḥda s'assignent la double tâche de réactualiser le patrimoine littéraire ancien et de faire connaître la littérature occidentale par des traductions ou des adaptations de textes français et anglais. Ils contribueront à introduire des auteurs européens dans le paysage littéraire arabe et à acclimater la prose de fiction (roman et nouvelle) ainsi que l'art du théâtre. Nạ̄sīf al- Yāzijī (1800-1871), Bụtrus al-Bustānī (1819-1883), Fāris al-̌ Sidyāq (1804-1888) s'illustrent dans cette double entreprise de remise à jour du patrimoine littéraire et de traduction d'œuvres étrangères ; ils composent également des œuvres originales nourries de ces deux expériences. L'Égypte qui bénéficie de conditions historiques favorables prend la relève après 1880. Dès la première moitié du siècle, Mụhammad ‘Alī (1805-1848) favorise le développement de l'instruction, l'envoi de missions d'étudiants à l'étranger et la modernisation du pays sur le modèle des réalisations occidentales. Cela explique l'essor pris par la culture arabe dans ce pays qui demeure de nos jours encore un phare de la vie culturelle, de la littérature en particulier.[...]

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Séances d'al-Harîrî - crédits :  Bridgeman Images

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