ARABESQUE, histoire de l'art
Succès et diffusion d'un ornement
L'absence de sources littéraires rend difficile l'explication du succès inouï des arabesques en Italie. Et l'assimilation immédiate de cet ornement par la culture italienne est à l'origine de plusieurs variantes, sans qu'il soit aujourd'hui possible de suivre en détail le développement de chacune d'elles. Le jeu des lignes, permettant une infinité de solutions différentes, a sans doute contribué à son succès, ainsi que l'engouement pour les puzzles, les nœuds et la cosmologie dans l'Italie de la Renaissance. L'estampe a joué un rôle fondamental dans sa diffusion : d'abord par les encadrements des illustrations de quelques livres publiés à Venise (B. Da Crema, Via de aperta verità, Venise 1523), et des livres de modèles pour la broderie, comme ceux de G. A. Tagliente, Essempio di recammi (Venise, 1527), et de l'éditeur N. D'Aristotile De Rossi, dit Zoppino, Esemplario di lavori (Venise, 1529), ensuite par des planches et des suites isolées, entièrement consacrées à cet ornement. Les graveurs et éditeurs d'estampes ne peuvent pas être considérés comme les auteurs des arabesques, souvent appelées moresques dans les titres, car il s'agit de traductions et de reproductions des motifs trouvés tout prêts. Malgré l'anonymat qui concerne l'invention de l'arabesque, c'est l'élégance de certaines compositions qui a indéniablement contribué à leur succès. L'arabesque peut être dessinée en noir sur fond blanc ou en blanc sur fond noir. Parmi les plus importantes, on citera les suites du Maître f, qui a gravé plusieurs planches de moresques, publiées à Venise dans les années 1520-1530 ; c'est à lui qu'une suite anonyme est attribuée, dont les planches ont été copiées par le graveur et éditeur vénitien G. A. Vavassore dans sa Corona di racammi (vers 1530), copiée à son tour par Zoppino et ensuite par H. Steyner à Augsbourg (1534). Le titre en latin, italien, allemand et français de la réédition de la suite originale du Maître f par H. Cock vers 1550 à Anvers, dont le succès fut énorme, ne laisse aucun doute sur les origines multiples attribuées à l'arabesque, car il y est question d'ornements vulgairement appelés mauresques, faits à la manière des Perses, Assyriens, Arabes, Égyptiens, Indiens, Turcs et Grecs. Ces ornements sont présentés agrandis pour faciliter leur emploi. Que l'arabesque ait déjà trouvé sa place dans tous les domaines de l'art décoratif est démontré par le fait que l'éditeur H. Cock s'adressa aux différents corps de métiers : peintres, orfèvres, graveurs, vitriers, tapissiers, brodeurs et dentellières.
En France, les moresques sont employées pour la première fois dans la décoration des plats de plusieurs livres reliés pour le roi Louis XII (vers 1510). Le premier livre entièrement consacré aux moresques est celui du Florentin établi en France, Francesco Pellegrino (1530). Il est significatif que l'auteur y parle des moresques « façons arabe et italienne », suggérant l'existence d'une variante qui est déjà considérée comme typiquement italienne en 1530, mais nous sommes incapables de la distinguer des variantes dites arabes. Comme l'indiquait d'ailleurs son privilège, Pellegrino avait inventé et composé « un livre de feuillages, entrelacs et ouvrages moresques et damasquins ». Le dernier mot évoque la damasquinure et met en évidence que l'auteur pensait à la reliure et au travail en métal. Plusieurs suites de gravures comportaient exclusivement des moresques, comme celle du Maître GJ (ou JG), Maître IR, J. Gourmont avec son Livre de moresques (1546).
Contrairement à la situation italienne, les moresques ont été employées pour l'ornementation des illustrations par les éditeurs de livres[...]
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Écrit par
- Peter FUHRING : historien de l'art, diplômé de l'université de Leyde, Pays-Bas
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