ARABESQUE, histoire de l'art
L'ambiguïté d'un terme
Mais, après la Renaissance, le motif de l'arabesque a cessé d'être le seul ornement désigné du mot « arabesque », ce qui complique extrêmement l'histoire de cet ornement. Que les rinceaux puissent être entrelacés et qu'ils puissent être incorporés aux arabesques explique que l'arabesque est souvent confondue avec les entrelacs. Certes, l'usage des lignes géométriques qui s'entrecroisent est propre aux deux ornements, mais ni la bifurcation d'un rinceau ni l'emploi des feuilles et de fleurs stylisées ne s'appliquent aux entrelacs. Il s'agit en somme d'un ornement qui peut faire partie de l'arabesque, mais qui a été employé dans d'autres compositions bien avant et bien après la période où l'arabesque a été à la mode. Dans certains compartiments de la voûte de l'église Sainte-Constance de Rome (ive s.), les mosaïques présentent une variation exceptionnelle d'entrelacs. L'arabesque, combinée aux rinceaux grecs, a vraisemblablement été à l'origine de l'ornement utilisé dans l'art celtique avec ses entrelacs peuplés d'animaux et de monstres, exécutés en métal, en ivoire ou sur parchemin (Livre de Kells, ixe s.). Les nœuds composés de cordes entrecroisées à l'infini, bien connus par les dessins de Léonard de Vinci, datant de la fin du xve siècle, copiés par Dürer vers 1505-1507 et gravés sur bois avant 1521, sont un exemple parfait de l'entrelacs. En outre, l'entrelacs n'est pas sans rapport avec des panneaux appelés « cuirs » où des bandes s'entrecroisent avec d'autres bandes ou avec des volutes découpées. Proche mais différent de l'arabesque, ce type d'ornement a connu, après ses débuts en Italie, un succès aussi éclatant que les moresques, notamment à Fontainebleau (Rosso) et dans les pays du Nord (C. Floris, C. Bos, B. Battini, Vredeman de Vries). Dans une variante particulièrement populaire parmi les orfèvres (env. 1570-1620), on joue davantage sur la largeur variable des bandes combinées à des volutes elliptiques (en Allemagne, cet ornement est appelé dès la fin du xvie siècle Schweifwerk, « motif chantourné »). Les fleurs trilobées et stylisées des moresques, traitées comme des silhouettes, ont connu un regain d'intérêt parmi les orfèvres de la première moitié du xviie siècle en France.
Nous ne savons pas pourquoi l'arabesque cesse d'être utilisée vers la fin du xvie siècle. Une hypothèse serait que, au moment où la nature a été prise comme source d'inspiration pour l'art, l'arabesque a été modifiée pour finalement disparaître, car cet ornement abstrait n'était autre que l'illustration d'un des courants théoriques de la Renaissance. Et au moment où l'arabesque disparaissait du répertoire ornemental courant, le mot fut appliqué à de nombreux motifs similaires. Les grotesques ont été improprement appelés arabesques sans doute parce qu'ils comportent des rinceaux et des entrelacs. Or l'origine de ces deux ornements est totalement différente. La volonté d'imiter la nature dans les grotesques est un processus opposé à la stylisation, caractéristique fondamentale de l'arabesque. L'usage d'un système de bandes qui sert de support aux chimères, figures humaines, trophées et autres ingrédients des grotesques a pu contribuer à les faire appeler a posteriori arabesques. L'absence de figures humaines ou animales dans l'arabesque est peut-être le trait essentiel qui permet de la distinguer des grotesques. Depuis le début du xviiie siècle, le mot « arabesque » a été employé en France pour décrire les grotesques, et les lexicographes renvoyaient pour parler de l'arabesque au mot « grotesque ». L'origine de cette confusion, qui a fait école, n'a pas encore[...]
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Écrit par
- Peter FUHRING : historien de l'art, diplômé de l'université de Leyde, Pays-Bas
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