ARCHÉOBACTÉRIES ou ARCHÉES
Vers le milieu du xxe siècle, l'apparition du microscope électronique aboutit à une classification dichotomique du monde vivant en deux grands groupes basés sur la structure de leurs cellules : d'un côté les organismes eucaryotes, formés de cellules à noyau, et de l'autre les organismes procaryotes, formés de cellules sans noyau (les bactéries). Cette classification, en apparence naturelle, a toutefois été remise en cause à la fin des années 1970 par la découverte, grâce aux méthodes de la biologie moléculaire, d'une profonde coupure au sein du monde procaryote entre les bactéries et les archéobactéries. Les archées, comme on les nomme aujourd'hui, forment ainsi, selon Carl Woese, un troisième groupe d'êtres vivants sur la Terre.
Spécificité biochimiques des archées
Les archées sont des micro-organismes de petite taille sans noyau, qui ne se distinguent pas des bactéries sur le plan morphologique. Leur spécificité a été mise en évidence en 1977 grâce à l'analyse comparée des séquences des molécules d'ARN ribosomique 16S (ARNr 16S). Ces analyses ont montré que les séquences des ARNr 16S d'archées étaient pratiquement aussi éloignées des séquences des ARNr 16S bactériens que de celles des ARNr 18S eucaryotes. L'originalité des archées a été rapidement confirmée par l'analyse de leurs glycérolipides membranaires. Alors que les glycérolipides des bactéries et des eucaryotes sont formés par l'estérification d'une molécule de glycérol par deux molécules d'acide gras, les glycérolipides des archées (archaeol) sont formés par l'éthérification d'une molécule de glycérol par deux molécules d'isoprénol (des alcools à longue chaîne branchés). De plus, les glycérolipides d'archées présentent une isomérie optique inversée par rapport à ceux des bactéries et des eucaryotes (le carbone central du glycérol étant asymétrique, les molécules de glycérolipides existent en effet sous deux formes isomériques, tout comme les acides aminés ou les sucres des acides nucléiques). De nombreuses archées (en particulier les hyperthermophiles) possèdent des glycérolipides atypiques de grande taille (caldarchaeol) qui forment des monocouches lipidiques au lieu de la bicouche habituelle présente dans les membranes des bactéries et des eucaryotes.
Le séquençage des génomes complets à la fin des années 1990 a définitivement établi le caractère unique des archées et la division du monde vivant en trois « domaines » selon la terminologie de Carl Woese. Si tous les organismes partagent le même code génétique et les mêmes mécanismes de base pour la réplication de l'ADN, l'expression génétique (transcription et traduction), ou encore la production d'ATP, chacun des trois grands groupes se caractérise par une variante spécifique de ces mécanismes. Qui plus est, la variante « archée » est presque toujours plus proche de celle des eucaryotes que de celle des bactéries, ce qui explique pourquoi Woese a proposé en 1990 de remplacer le terme archéobactérie par celui d'archée.
Toutefois, les archées possèdent également certains caractères bactériens, tel le regroupement des gènes en opérons et l'absence d'introns (régions non codantes) dans les gènes codant pour des protéines. Certains évolutionnistes, qui persistent à privilégier la distinction entre un grade procaryote et un grade eucaryote, continuent donc de parler d'archéobactéries.
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Écrit par
- Patrick FORTERRE : professeur émérite à l'université Paris-Saclay, professeur honoraire à l'Institut Pasteur
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