ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) Archéologie et enjeux de société
La destruction du patrimoine archéologique
Cependant, pas plus que les rois francs, les ancêtres gaulois n'étaient totalement recommandables. Non seulement ils étaient décrits par les historiens grecs et romains comme des barbares, mais ils avaient été vaincus, perdant jusqu'à leur langue. La véritable origine culturelle revendiquée par les élites françaises des xviiie et xixe siècles (et au-delà) était bien celle de la Grèce, de l'Italie et du Proche-Orient.
Fondée en 1846 par ordonnance royale, l'École française d'Athènes est ainsi le plus ancien institut archéologique au monde. La conséquence directe d'une telle orientation fut que l'archéologie du territoire métropolitain ne fit l'objet d'aucune recherche institutionnelle appuyée sur l'Université, et se trouva abandonnée aux notables locaux. Le musée des Antiquités nationales, créé en 1867, ne fut pas en France, comme dans d'autres pays, installé au cœur de la capitale, mais dans sa banlieue, à Saint-Germain-en-Laye. Au contraire, le prestigieux musée du Louvre, objet de l'un des récents « grands travaux » présidentiels, situé dans l'ancien palais des rois de France, ne contient que des antiquités grecques, romaines et orientales. Le dépôt supplémentaire, en 2000, de quelque cent vingt œuvres venues d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques, a suscité la polémique. Mais on n'y trouve aucun vestige antique issu du sol métropolitain.
C'est pourquoi en France, jusque dans les années 1970, la plupart des grands travaux d'aménagement, notamment au centre des villes (parkings souterrains, Forum des Halles à Paris, etc.), n'ont pas été précédés par des fouilles archéologiques. Des pans entiers d'histoire sont partis sous la lame des bulldozers, alors même que le sauvetage du passé était organisé de manière systématique dans la plupart des autres pays européens, comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne ou les Pays-Bas, sans compter l'ensemble de l'Europe de l'Est. L'archéologie « de sauvetage » restait abandonnée à l'initiative d'archéologues amateurs et bénévoles. À partir de la fin des années 1970, un certain nombre d'archéologues, principalement dans les services régionaux de l'archéologie du ministère de la Culture, réussirent peu à peu à imposer aux aménageurs le financement de fouilles de sauvetage, comme c'était déjà le cas dans les pays voisins.
La préservation du patrimoine archéologique et historique n'est de toute façon qu'un compromis permanent. Chaque parcelle du sol d'un pays témoigne de l'histoire passée, que ce soit par des vestiges directement façonnés par l'homme (monuments, objets), ou par des traces indirectes de son action (érosion, déboisements, paysage). Du moins faut-il que ce compromis soit réfléchi et débattu. En un demi-siècle, tous les fonds de vallée du Bassin parisien, très riches en vestiges archéologiques, ont été détruits pour en extraire les sables et graviers nécessaires à la fabrication du béton. Cette matière première épuisée, on passe maintenant au concassage des roches des plateaux, beaucoup moins peuplés à toutes époques. Une telle technique, certes plus coûteuse, mais devenue en fin de compte nécessaire, aurait donc pu, si elle avait été adoptée au départ, permettre de préserver un patrimoine essentiel. Une société aura donc pris, de fait, la responsabilité d'effacer en quelques décennies, pour une économie à courte vue, les traces de dizaines de millénaires de son histoire...
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Écrit par
- Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
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