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ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) Histoire de l'archéologie

L'extension dans l'espace et le temps

Le xixe siècle va favoriser une explosion des connaissances, à la fois dans l'espace et dans le temps, mais aussi la construction de grands systèmes de classification et de méthodologie proprement scientifiques, ainsi que, comme dans toutes les autres sciences, l'organisation d'un véritable milieu professionnel, avec ses institutions, ses publications, ses congrès, son enseignement. Néanmoins, l'archéologie restera longtemps définie comme une « science auxiliaire de l'histoire ». Ce seront les progrès de la préhistoire, où l'absence d'écrits contraint les archéologues à l'innovation méthodologique, qui permettront ultérieurement un début d'émancipation.

De fait, on retiendra d'abord le déchiffrement des écritures anciennes : celui des hiéroglyphes égyptiens par Jean-François Champollion en 1822 et celui du cunéiforme par Henry Rawlinson à partir des années 1840. Ces résultats sont permis par la généralisation des fouilles, au fur et à mesure que les Occidentaux, d'abord par la force avec l'expédition de Bonaparte en Égypte, en 1798, puis par la négociation ou l'achat, étendent le champ de leurs recherches, dont ils rapportent le produit dans les grands musées qui se constituent, à Londres ou à Paris. Les fouilles sont souvent conduites, notamment en Mésopotamie, avec l'appui direct des services diplomatiques. Les sites grecs prestigieux, comme Delphes ou Olympie, sont même l'enjeu de fortes rivalités entre grandes puissances.

La première moitié du xixe siècle voit donc naître successivement une archéologie grecque, sur le sol même de la Grèce libérée en 1830 (la France fonde en 1846 l'École française d'Athènes), en même temps qu'une archéologie égyptienne (dont le service archéologique sera mis sur pied en 1858 par le Français Auguste Mariette), et bientôt une archéologie mésopotamienne, avec les premières fouilles de Ninive, Nimrud et Khorsabad, à partir des années 1840. Dans la seconde moitié du siècle, avec la généralisation de l'expansion coloniale à l'ensemble du monde, apparaissent une archéologie de l'Inde, avec la conquête anglaise, une archéologie du Japon, avec les premières fouilles américaines consécutives à l'ouverture forcée du pays, une archéologie précolombienne au Mexique, au Guatemala et au Pérou, menée surtout par des archéologues américains, mais aussi une archéologie du monde scythe et des steppes, aux marges de l'Empire russe. Un peu plus tard, les fouilles de Heinrich Schliemann et d'Arthur Evans révèlent les civilisations mycénienne et minoenne.

Cette conquête de l'espace s'accompagne d'une conquête du temps. Jusqu'au début du xixe siècle, l'idée même d'évolution était bloquée par la lecture littérale de la Bible – toute déviation restant passible, au moins jusqu'à la fin du siècle, d'excommunication. La possibilité de découvrir des hommes antérieurs au Déluge (« antédiluviens ») était niée par Georges Cuvier lui-même. Mais en 1842, Richard Owen définit les premiers dinosaures ; en 1856 est découvert l'homme de Néandertal ; et en 1859 les outils préhistoriques mis au jour par Jacques Boucher de Perthes dans des couches géologiques très anciennes de la vallée de la Somme sont authentifiés. Enfin, la même année, la publication de L'Origine des espèces par Charles Darwin donne un cadre théorique à l'ensemble. La préhistoire peut désormais construire son système chronologique, à l'aide des stratigraphies des grottes du Périgord et des terrasses de la vallée de la Somme, système formalisé par Gabriel de Mortillet. En 1879, la révélation, à Altamira en Espagne, de l'art des grottes ornées provoque enthousiasme et polémiques. Enfin le premier[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

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Tablette cunéiforme, royaume d'Ougarit - crédits : De Agostini

Tablette cunéiforme, royaume d'Ougarit

Laocoon - crédits :  Bridgeman Images

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