ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) Histoire de l'archéologie
La mise en place des institutions
Le xixe siècle est aussi, pour l'ensemble des sciences, un moment de forte structuration, à la fois des méthodes et des institutions. Si les autorités politiques s'étaient dès l'origine intéressées de près à la gestion du passé, cet intérêt prend une dimension nouvelle avec l'émergence, sous l'impulsion de la Révolution française et du romantisme, de l'idée nationale. Les sujets font place aux citoyens réunis dans une même communauté de destin. Cet « éveil », ou plutôt cette construction, des nationalités se fonde sur le passé pour asseoir les revendications du présent, revendications d'une unité pour les nations éclatées (Italie, Allemagne), de l'indépendance pour celles d'Europe centrale et orientale, et aussi revendications territoriales pour la plupart d'entre elles. L'archéologie jouera donc un rôle stratégique, qui explique l'appui qu'apportent les États à la construction de ses institutions.
Trois types d'institutions prennent alors leur essor. Les sociétés savantes, dont certaines ont été créées antérieurement, sont des lieux d'échange pour archéologues professionnels ou amateurs, souvent subventionnés par le pouvoir politique. En France par exemple, l'Académie celtique, fondée en 1804 et qui deviendra en 1813 la Société des antiquaires de France, joue un rôle important pour la collecte de données archéologiques, mais également folkloriques, linguistiques et ethnographiques. Elle sera aussi à l'origine d'un mouvement « celtomaniaque » exaltant la grandeur des Celtes, auxquels sont alors attribués tous les monuments mégalithiques – qui précédèrent pourtant les Celtes de plusieurs millénaires ! En 1834, l'antiquaire normand Arcisse de Caumont fonde la Société française d'archéologie. La Société d'anthropologie de Paris, créée en 1859, regroupe anthropologues, ethnographes et préhistoriens – avant que ces derniers ne fondent la Société préhistorique française, en 1904. À l'échelon local ou régional, les sociétés savantes, composées de notables éclairés, représentent des groupes de pression efficaces pour la prise de conscience de la nécessité de préserver le passé. Il en va de même pour les autres pays européens. Ces sociétés se réunissent très régulièrement, tiennent des congrès, publient des revues. Dans la seconde moitié du xixe siècle sont enfin créées des associations internationales qui organisent des congrès, événements essentiels pour la structuration de la discipline.
Le second type d'institutions est le réseau des musées qui sont créés tout au long du siècle. Nationaux ou régionaux, fortement soutenus par les autorités, ils sont un lieu de collecte d'objets, mais aussi d'inventaires et d'archives, possèdent des bibliothèques et publient des revues. Ils sont à l'initiative de fouilles et deviennent souvent en même temps le siège d'un service administratif qui surveille les destructions éventuelles, voire délivre les autorisations de fouille – ce que l'on va bientôt appeler un « service des Antiquités », au fur et à mesure que des législations de protection se mettent en place. Musées et associations entretiennent des liens étroits. Dans les pays conquis, les colonisateurs institueront la plupart du temps des services archéologiques sous leur contrôle.
Les universités forment le troisième type d'institutions. Leur création par les États accompagne à la fois le développement des sciences et celui des États-nations qui doivent assurer la formation de leurs élites. C'est là que sont enseignées les disciplines les plus prestigieuses, l'archéologie gréco-romaine en tout premier lieu, mais aussi les archéologies nationales lorsqu'elles représentent un enjeu important. Les instituts archéologiques instaurés[...]
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Écrit par
- Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
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