ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) L'archéologie préventive
Protection européenne et absence de règles internationales
L'Europe, au sens géographique, s'est dotée en 1992 de la Convention de Malte sur la protection du patrimoine archéologique. Elle fait obligation à tous les États signataires d'adopter une législation appropriée, ce que la France mit en place, à la suite de la plupart des autres pays européens, par la loi du 17 janvier 2001. Dans les pays moins riches ou moins sensibilisés, seule une mobilisation internationale est parvenue à sauvegarder des sites exceptionnels, comme Abou Simbel en Égypte lors de la construction du barrage d'Assouan, ou à assurer quelques fouilles préalables, par exemple lors de la construction de barrages sur l'Euphrate et le Tigre par la Turquie et la Syrie. Mais la situation est très préoccupante dans de nombreux pays. Il n'existe d'ailleurs pas, à un niveau international et sous le patronage de l'U.N.E.S.C.O., de texte contraignant analogue à la Convention de Malte pour l'Europe.
Des aménagements en nombre croissant
En France, par exemple, on estime que sont aménagés chaque année par des travaux divers environ 60 000 hectares (soit 600 km2). Or le potentiel estimé en sites archéologiques est certainement de plusieurs millions au minimum, soit une moyenne minimale d'une dizaine de sites par kilomètre carré. De fait, les fouilles préventives systématiques sur les tracés des autoroutes ou des lignes de T.G.V. révèlent une moyenne d'un site important tous les kilomètres. On mesure donc la vitesse d'érosion du patrimoine archéologique – sachant que, en France, toutes les autoroutes et lignes ferroviaires construites avant les années 1980 n'ont fait l'objet d'aucune surveillance archéologique. À cela s'ajoutent les constructions de plus en plus profondes, avec la généralisation des parkings souterrains, une situation particulièrement préoccupante pour les villes historiques dont la fondation remonte au Moyen Âge, voire à l'époque romaine.
Les travaux agricoles, avec la technique du « sous-solage » (labour profond), les arrachages de pieds de vigne ou encore les travaux forestiers avec le dessouchage sont une cause importante de destruction. D'après une statistique hollandaise, 60 p. 100 des sites disparus depuis un demi-siècle ont été détruits par l'agriculture. De fait, les photographies aériennes prises à intervalles réguliers sur un même site permettent de suivre son érosion progressive, y compris pour des constructions à soubassements de pierre, telles les villas gallo-romaines. Enfin, les vestiges conservés sous la mer, les lacs ou les rivières (embarcations, villages submergés, etc.) connaissent eux aussi une très rapide érosion suite aux aménagements portuaires ou touristiques. En résumé, on a détruit plus en cinquante ans que durant toute l'histoire de l'humanité.
Une lente prise de conscience
Face à ces destructions continues, les pouvoirs publics et les aménageurs, comme le grand public, sont restés longtemps indifférents. Au début des années 1970, on a pu détruire, sans provoquer beaucoup de réactions, une partie du Paris médiéval, avec le « trou des Halles » ou avec le parking souterrain de la rue Soufflot sur le forum romain de Lutèce. C'est vers la fin des années 1970 que de telles destructions devinrent peu à peu des « scandales » médiatiques. Les saccages du cimetière médiéval d'Orléans et du sanctuaire romain de Bourbonne-les-Bains ou encore, à Londres, la découverte du bâtiment originel du théâtre de Shakespeare ont contribué a sensibiliser l'opinion. Cet intérêt a coïncidé, d'une part, avec la fin de la période de la reconstruction de l'après-guerre pendant laquelle l'économie primait sur la culture, d'autre part, avec des interrogations identitaires croissantes commençant à poindre dans de nombreux pays, européens en particulier. Notons que, à cette époque,[...]
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Écrit par
- Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
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