ARCHÉOLOGIE INDUSTRIELLE
Méthode et champ d'action de l'archéologie industrielle
Il va de soi que, si l'archéologie industrielle est une pratique scientifique qui privilégie la prise en considération du terrain et des vestiges physiques, des traces de toute nature, cette pratique ne s'isole nullement des autres démarches de la méthode historique, et notamment du recours aux archives, textuelles ou iconographiques. D'abord parce que l'archéologie industrielle étend ses ambitions scientifiques, au-delà de l'urgence qu'il peut y avoir à étudier les témoins visibles mais exposés à disparaître, à un repérage et à une identification des sites industriels dont rien ne subsiste, en une démarche d'archéologie rétrospective. Ensuite parce que l'archéologue industriel ne peut que pratiquer un constant aller et retour entre le terrain et l' archive, qui s'éclairent réciproquement. Enfin, parce que l'objet même de sa recherche le conduit à s'intéresser tout particulièrement aux archives d'entreprises, en elles-mêmes éléments du patrimoine industriel, et dont les composantes les plus diverses peuvent aider à l'interprétation de l'histoire matérielle de l'entreprise. Les amateurs d'archéologie industrielle ne doivent pas pour autant tomber dans le piège qui consiste, à partir de l'étude d'un site et de ses vestiges, à vouloir reconstruire systématiquement et en toute occasion l'histoire d'une entreprise et d'une activité : l'archéologie industrielle n'est pas toute l'histoire de l'industrie, ni non plus une version modernisée de l'histoire locale.
En tout état de cause, l'efficacité et la capacité démonstrative de l'archéologie industrielle exigent qu'elle s'attache en premier lieu à inventorier. Corpus d'informations dans toute la mesure du possible comparables, l' inventaire est l'outil de référence qui permet à la fois de conserver des traces documentaires (d'une façon exhaustive, au moins dans l'idéal), d'argumenter en faveur de mesures de protection (l'arsenal législatif et les procédures administratives étant à cet égard extrêmement variables en nature et en ancienneté d'un pays à l'autre, de l'Europe à l'Amérique et au sein de l'Europe elle-même), de préparer ainsi d'éventuelles opérations de sauvegarde ; d'autre part, l'inventaire procure le soubassement indispensable à une recherche scientifique, thématique ou individualisée, qui doit permettre à ce secteur récent du patrimoine de chaque nation de bénéficier de toutes les attentions que l'histoire de l'art et l'archéologie ont apportées au contenu traditionnel du patrimoine.
Une telle recherche, les archéologues industriels de toutes nationalités en sont aujourd'hui d'accord, suppose une collaboration interdisciplinaire, voire interprofessionnelle. Au sein même de la discipline historique, une attitude intellectuelle particulière doit remettre en honneur la considération de l'espace (notion au sujet de laquelle toute confusion doit être dissipée à l'égard des géographes, qui lui assignent un contenu différent), de l'objet, du matériau, et de la technologie. Cette dernière, à laquelle les historiens économistes ou d'histoire générale accordent une place généralement mineure et un mode d'exposé abstrait et théorique, hésitant sur l'articulation qu'il convient de lui donner par rapport aux mutations majeures de l'économie et de la société, retrouve grâce à l'archéologie industrielle une couleur et une substance, une localisation et un sens précis par rapport au monde des utilisateurs et des producteurs. L'archéologie industrielle a besoin d'autre part du concours des architectes et des historiens de l'architecture, qui doivent, face à ce nouveau champ d'étude, innover en matière de vocabulaire,[...]
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Écrit par
- Louis BERGERON : directeur d'études honoraire à l'École des hautes études en sciences sociales
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