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ARCHÉOLOGIE INDUSTRIELLE

Les expériences nationales

L'archéologie industrielle est née et s'est développée dans un climat commun à toutes les nations anciennement industrialisées : celui d'un changement d'âge technique, d'une nouvelle répartition internationale du travail, de crise et de désindustrialisation enfin qui ont suscité curiosité et inquiétude à l'égard du risque de naufrage d'un pan entier de la mémoire et de la culture nationales, lié aux premières phases de l'industrialisation. Prise de conscience qui intervient à des dates différentes, et suscite des actions conformes aux traditions culturelles et institutionnelles de chacun.

La place manque pour faire justice à tous les cas nationaux. Toutefois, on ne peut se dispenser de rappeler brièvement ce qui s'est passé dans les îles Britanniques, berceau de la « discipline ». Il y a près de cinquante ans maintenant que, d'une façon empirique et grâce à la spontanéité et à l'enthousiasme des initiatives privées (une centaine de sociétés locales vers 1980), des ingénieurs, des spécialistes d'histoire des techniques, des amateurs éclairés et des travailleurs du dimanche bénévoles ont entrepris d'alerter l'opinion et les autorités, de recenser, réparer, entretenir des ouvrages de génie civil, des bâtiments, des machines, de pousser aussi bien à l'ouverture de musées techniques qu'à la réutilisation intelligente des sites industriels. Les années soixante ont vu le lancement du Journal of Industrial Archaeology, sous la direction de Kenneth Hudson, et du premier projet d'un parc national d'archéologie industrielle autour de l'Ironbridge Gorge, sur le cours supérieur de la Severn, à partir du Company Museum déjà constitué par la compagnie de Coalbrookdale autour du haut fourneau des Darby. Une certaine coordination intervient dans les années soixante-dix, avec la création d'une Association for Industrial Archaeology et la tenue de conférences nationales annuelles ; un deuxième périodique, l'Industrial Archaeology Review, d'une inspiration plus académique, est conduit par Neil Cossons et Angus Buchanan. Parallèlement, depuis 1963, les mécanismes publics de recensement et de protection des vestiges industriels ont fait des progrès appréciables, sinon décisifs. L'archéologie industrielle britannique demeure toujours, un peu étroitement, celle de la « révolution industrielle » au sens classique du concept ; cela dit, elle reste un guide magistral, rayonnant par la masse de ses publications de qualité, ouverte à tous les types de patrimoine jusqu'aux plus récents, très soucieuse de donner à la recherche scientifique des prolongements concrets, et surtout donnant l'exemple inégalé de la muséologie industrielle la plus inventive à travers les sites dispersés de l'Ironbridge Gorge Museum, devenu de surcroît un centre de formation universitaire (en collaboration avec l'université de Birmingham) et un centre de recherche. Succès que sanctionna, dès 1973, la tenue sur ces lieux de la première conférence internationale (Bochum, 1975 ; Stockholm, 1978 ; Lyon-Grenoble, 1981 ; Boston-Lowell, 1984 ; Vienne, 1987 ; Bruxelles, 1990).

Les États-Unis – qui n'ont pas de difficulté à dater les débuts de leur industrialisation – sont entrés à peine plus tard que la Grande-Bretagne dans la voie de l'identification de leur patrimoine industriel. Hors de la sphère universitaire, très peu sensibilisée, ce patrimoine a trouvé ses défenseurs auprès d'institutions très fortes. Ainsi, la Smithsonian Institution de Washington, à travers l'un de ses conservateurs, Robert Vogel, et l'Historic American Buildings Survey, agence fédérale créée dès 1935 par la Library of Congress et l'American Institute of Architects, ont-ils à partir de 1965 soutenu conjointement les premières études de terrain. En 1969 a vu[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études honoraire à l'École des hautes études en sciences sociales

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