ARCHÉOLOGIE MÉDIÉVALE
L’archéologie médiévale rassemble un large spectre de méthodes permettant d’étudier les témoignages matériels des cultures qui se sont succédé entre le ve et le xve siècle. Elle s’intéresse aussi bien aux structures enfouies ou en élévation qu’au mobilier et aux informations issues de l’environnement. Dans sa forme actuelle, elle a émergé au cours des années 1960, tout en résultant d’une genèse qui s’est étendue sur plus de quatre siècles. Cette lente maturation a successivement permis d’accepter l’archéologie du Moyen Âge comme sujet d’histoire, de forger des méthodes dans le but d’analyser les vestiges matériels, avant d’ouvrir l’enquête au large champ des relations entre l’homme, ses activités et l’environnement qu’il façonne.
La difficile naissance de l’archéologie médiévale
Accepter le Moyen Âge
Forgée par les humanistes italiens des xve et xvie siècles, l’expression « Moyen Âge » constitua dès son origine une notion essentiellement négative et désignant une époque de décadence des arts et des lettres entre deux sommets de la culture classique, l’Antiquité et la Renaissance. Cette période d’un millénaire, par ailleurs dépourvue de cohérence interne, apparaissait donc dès l’abord comme peu digne d’étude.
Dans les régions qui furent extérieures à l’Empire romain et où les sources écrites apparurent tardivement, la volonté de construire une histoire nationale suscita un intérêt précoce pour les vestiges matériels du passé médiéval. Il en fut ainsi en Scandinavie, où les témoignages de la période viking furent étudiés dès le xviie siècle. Au contraire, la France et les pays méditerranéens demeurèrent beaucoup plus longtemps focalisés sur le modèle idéal de l’Antiquité gréco-romaine. C’est à partir des textes cachés dans les archives et non des monuments médiévaux offerts quotidiennement au regard que les études médiévales purent se développer dans cet espace depuis le début du xviie siècle, provoquant l’édition critique d’une masse considérable de sources religieuses et diplomatiques puis, au cours du siècle suivant, la redécouverte de la littérature médiévale, qui met en lumière les idéaux de la chevalerie et le quotidien de la vie urbaine.
Cette révélation du Moyen Âge laissa pourtant de côté les monuments et les objets, pour lesquels les érudits manifestèrent généralement une grande incompréhension. Il est vrai que les outils d’analyse permettant de faire des vestiges matériels des sources à part entière faisaient encore défaut. Avec la période ouverte par la Révolution française, on voit se développer deux tendances apparemment contradictoires : le nouveau pouvoir revendique la destruction ou la vente des symboles de la monarchie et de l’Église, souvent hérités du Moyen Âge, mais il manifeste parallèlement la volonté de conserver des monuments et des objets médiévaux, devenus des biens communs de la Nation. Lieux d’exposition de vestiges médiévaux, les dépôts départementaux d’objets arrachés aux églises (1790) et le musée des Monuments français (1793-1818) vont fortement influencer les premiers historiens médiévistes, mais aussi la littérature, l’architecture ou la peinture. Ils contribuent à la diffusion d’une certaine conception du Moyen Âge, tour à tour sombre et courtoise, mais qui inscrit définitivement cette période dans la culture populaire.
Envisager une archéologie médiévale
Il faut attendre encore quelques années avant que ce succès public engendre des méthodes d’approche et des institutions adaptées à l’étude des vestiges médiévaux. Cet essor de la recherche va passer par la naissance, à partir des années 1820, de sociétés savantes régionales qui effectuent un considérable travail d’inventaire, de sauvegarde des monuments et de diffusion du savoir par des musées et des publications. Deux Normands, [...]
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Écrit par
- Luc BOURGEOIS : professeur d'archéologie médiévale, université Caen-Normandie
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Médias
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