ARCHÉOLOGIE MÉDIÉVALE
Premiers résultats et nouvelles orientations
Fonder un discours autonome
En France, l’archéologie médiévale demeure enseignée dans le cadre de l’histoire et de l’histoire de l’art, qui ont présidé à sa naissance. Elle a assez naturellement acquis sa légitimité en répondant à des questionnements venus de deux disciplines, même si ces problématiques se sont souvent avérées mal adaptées à la nature particulière des sources archéologiques. L’archéologie médiévale a donc progressivement élaboré des cadres d’enquête adaptés aux sources qu’elle mettait au jour. Elle a aussi construit des chronologies capables de rendre compte des grandes ruptures de l’histoire de l’occupation du sol et des techniques, qui n’ont souvent guère de rapport avec les découpages historiques traditionnels (la période mérovingienne, le haut Moyen Âge des historiens ou « l’époque romane » des historiens de l’art…). Le but de cette jeune discipline restant de produire un discours historique, il serait toutefois absurde de ne pas articuler ses résultats aux données fournies par l’histoire et l’histoire de l’art. La nécessaire autonomie du raisonnement archéologique doit déboucher sur un dialogue entre les disciplines, que les données matérielles viennent enrichir, conforter ou infirmer.
De nouveaux champs d’action
D’abord cantonnée aux vestiges conservés dans le sous-sol, l’archéologie médiévale a progressivement adapté à d’autres espaces les méthodes expérimentées par la fouille. À partir de la fin des années 1980, on commença à appliquer aux monuments demeurés en élévation les méthodes de l’analyse stratigraphique. Cette archéologie du bâti, qui considère chaque élément constituant l’histoire d’un bâtiment comme une couche archéologique, permet de mettre en évidence son état primitif et toutes les transformations successives dont il a été l’objet, en fondant cette évolution sur des datations absolues (radiocarbone, dendrochronologie, archéomagnétisme). L’étude de l’origine des matériaux et de leur mise en œuvre ou l’analyse des aménagements annexes fournissent également une lecture dynamique des chantiers de construction et des fonctions successives de chaque espace du monument. Ces méthodes ont souvent profondément renouvelé une datation purement stylistique, qui trouve sa source dans l’archéologie monumentale du xixe siècle – la construction du donjon de Loches a ainsi été vieillie d’un siècle. Elles ont également fait émerger des catégories encore peu étudiées, comme la maison urbaine médiévale ou les charpentes. Si les architectes et les historiens de l’architecture ont d’abord considéré d’un mauvais œil cette intrusion des archéologues dans leur champ d’études traditionnel, ils ont aujourd’hui adopté ces nouvelles approches ou recherchent la collaboration des archéologues du bâti.
D’autres domaines se sont également affranchis du cadre étroit de la fouille archéologique. C’est en particulier le cas des relations entre l’homme médiéval et le milieu, longtemps considérées à partir des seules fouilles d’habitat, à travers l’impact de l’activité humaine sur l’environnement proche. Le développement des outils de la bioarchéologie – palynologie, carpologie, archéozoologie, etc. – a permis d’affiner la connaissance des écosystèmes, mais par une lecture qui resta longtemps focalisée sur l’homme. Dans les dernières années du xxe siècle, le regard de l’archéologue médiéviste s’est progressivement décentré en faisant du milieu un sujet à part entière. En témoignent des enquêtes pluridisciplinaires dont l’objectif était de retracer l’évolution d’un bassin fluvial (la Loire ou le Rhône), d’un marécage (les étangs littoraux languedociens) ou d’une portion de haute montagne (la montagne d’Enveitg, dans les Pyrénées-Orientales). Historiens et géographes ont[...]
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Écrit par
- Luc BOURGEOIS : professeur d'archéologie médiévale, université Caen-Normandie
Classification
Médias
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