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ARCHÉOLOGIE (Méthodes et techniques) L'archéologie urbaine

Le matériau archéologique

Dans les villes historiques en activité depuis deux mille ans, entre la surface actuelle et le sol naturel se trouvent plusieurs mètres de dépôts qui forment le matériau privilégié des archéologues.

Leur volume couvre, selon les villes, plusieurs dizaines à plus d'une centaine d'hectares de superficie pour une épaisseur qui varie entre 1 mètre (zones périurbaines) et 6-7 mètres (zone centrale), voire davantage parfois. Il se mesure donc, dans chaque ville, en millions de mètres cubes dans l'espace urbanisé ancien.

Ce chiffre ne doit pas faire illusion et donner l'impression d'une ressource inépuisable. Le dépôt archéologique est fini et fragile. Exposé à de nombreuses atteintes, il doit être l'objet de protections et étudié dans toutes ses dimensions d'ordre social, économique, culturel et environnemental. Il constitue des archives pour l'histoire urbaine.

Le dépôt archéologique n'est pas un remblai uniforme, il a pour qualités d'être hétérogène, stratifié et déchiffrable. Tous les éléments disparates conservés forment des couches superposées identifiables et datables. En règle générale, le principe de superposition des couches et d'exhaussement du niveau du sol est respecté, ce qui conduit aux mètres de stratification évoqués ci-dessus.

La stratification est un phénomène d'ordre social. Elle est artificielle et composée de façon exclusive par des matériaux introduits à des fins diverses avant d'être abandonnés et de former ainsi des constituants du sol. Les élément d'origine naturelle s'intercalent entre des produits anthropiques et résultent souvent d'actions humaines aux conséquences imprévues. On a longtemps considéré que la stratification, même si on la savait incomplètement préservée, rendait assez bien compte du processus de formation d'une ville. Les travaux en paléo-environnement conduisent à une position plus mesurée et invitent aujourd'hui à substituer l'étude du sol urbain à celle de la seule stratification.

En milieu bien drainé, ce qui représente la majorité des cas, les couches qui forment le sol se révèlent stables ou instables. Stables lorsque les matériaux qui les composent sont essentiellement minéraux, de telles couches subissant peu de transformations physiques de leur structure après leur dépôt. Instables lorsque les couches ont contenu, outre des éléments minéraux, une proportion importante d'éléments organiques. Là, les transformations chimiques et celles dues à l'activité biologique de micro-organismes sont majeures et affectent l'aspect physique des couches. On a réalisé récemment que ce que l'archéologue découvre alors n'est pas la séquence de formation de la stratification, mais le résultat final d'une transformation qui suit la formation des strates.

Lorsqu'on étudie des sociétés dont l'essentiel des réalisations et des équipements fait appel à des matériaux d'origine minérale – pierre, mortier, tuile, ardoise, céramique, verrerie –, les pertes d'information sont compensables. En revanche, si on étudie des sociétés, ou certaines de leurs composantes sociales, dont l'essentiel des réalisations et des équipements fait appel à des éléments d'origine organique – bois, paille, jonc pour la construction, bois tourné, osier pour l'équipement –, la situation devient problématique. La plus grande partie des restes peut avoir disparu en contribuant à la constitution d'un encaissant peu différencié. Au terme du processus de formation se trouve un sol peu lisible dont le potentiel informatif est très sous-évalué. Ainsi des décennies, voire des siècles, de stratification, donc d'histoire urbaine, peuvent rester sans explication. La résolution de ce problème, qui affecte tout particulièrement la transition entre ville antique et ville médiévale, devrait constituer un enjeu[...]

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