ARCHÉOLOGIE SOUS-MARINE
L'archéologie navale
Des nombreux domaines touchés par l'archéologie sous-marine, c'est incontestablement l'archéologie navale qui en a tiré le plus de bénéfice en ayant enfin la possibilité d'étudier directement les vestiges des navires antiques.
La première étude importante d'architecture navale fut ainsi réalisée sur les navires trouvés dans le lac de Nemi, en raison de leur caractère et de leur état de conservation exceptionnels. Cependant, à mesure que les fouilles d'épaves mettaient en évidence la présence fréquente d'importants vestiges de la coque sous les cargaisons, l'intérêt pour l'architecture navale antique s'accrut, notamment sous l'impulsion de F. Dumas qui fut l'un des premiers à s'intéresser aux restes des navires, pour eux-mêmes et à réaliser, sur l'épave de la Chrétienne A près d'Anthéor en 1961-1962, un relevé entièrement sous-marin d'une coque antique.
Jusqu'au début des années quatre-vingt, une quarantaine d'épaves antiques, allant du ive siècle avant J.-C. au viie siècle après J.-C., ont livré des restes de coque suffisamment importants pour être significatifs et permettre de définir les principes essentiels de la construction navale gréco-romaine. La structure du bateau antique, à l'exemple de celle du navire de la Madrague de Giens, apparaît ainsi très évoluée, avec une quille importante, un bordé simple ou double, parfois revêtu d'une protection de feuilles de plomb pour protéger le bois de l'attaque des xylophages, une charpente interne complète (varangues, couples, allonges) et de nombreux éléments de renfort longitudinaux (préceintes, serres, carlingue, emplanture). Mais ce qui caractérise avant tout le navire antique c'est l'importance accordée au bordé, dont toutes les planches sont soigneusement assemblées entre elles au moyen d'innombrables languettes chevillées dans des mortaises, alors qu'en revanche les éléments de la charpente interne, indépendants entre eux et simplement chevillés au bordé, ne constituent pas un ensemble homogène. L. Casson fut le premier à montrer que ces caractéristiques impliquaient un principe de construction dit « en coquille », dans lequel les membrures ne sont introduites qu'après l'assemblage préalable du bordé afin de renforcer la coque. Ce principe de construction, bien attesté encore de nos jours, notamment en Scandinavie et dans l'océan Indien, procède en somme à l'inverse de la méthode dite « sur squelette », qui nous est plus familière, et dans laquelle les couples sont d'abord implantés sur la quille avant d'être revêtus des planches du bordé. L'étude des épaves tardives, et notamment du navire byzantin du viie siècle de Yassi Ada, où l'assemblage du squelette prend une importance croissante au détriment de celui du bordé, montre que la transition entre les deux méthodes fondamentales s'est faite vers la fin de l'Empire romain et au cours du Haut Moyen Âge.
Mais si l'étude des épaves a conduit avant tout à renouveler profondément la connaissance de la construction navale antique, elle permet aussi d'aborder sous un jour nouveau le problème de la capacité et des qualités nautiques des navires de commerce antiques. Ainsi, à côté des petits caboteurs d'une quinzaine de mètres de longueur, portant une vingtaine de tonnes de charge utile, bien attestés par les épaves de Kyrenia, de la Chrétienne C ou de Cavalière, le navire de la Madrague de Giens, long d'une quarantaine de mètres pour une capacité de charge d'environ 400 tonnes et celui d'Albenga, plus important encore, montrent qu'à la fin de la République romaine les plus gros navires pouvaient transporter de 400 à 600 tonnes de cargaison, confirmant sur ce point le témoignage des textes anciens. D'autre part, l'étude des formes de la carène[...]
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Écrit par
- Patrice POMEY : chargé de recherche au C.N.R.S.
- André TCHERNIA : maître assistant à l'université de Provence, centre d'Aix-en-Provence
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