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ARCHÉOLOGIE (Traitement et interprétation) Les modèles interprétatifs

L'archéologie ne saurait se résumer à la simple collecte d'objets contenus dans le sol. Elle ne saurait non plus se cantonner, comme elle l'a longtemps été, au rôle d'une « auxiliaire de l'histoire », incapable par elle-même d'interpréter ses propres documents. Toute science dispose à la fois de faits – construits par ses techniques et méthodes d'observation – et de théories qui permettent d'interpréter ces faits, quitte à ce qu'elles soient modifiées par un constant mouvement d'aller et retour. L'histoire de l'archéologie est aussi celle de son autonomisation intellectuelle progressive et de sa quête de démarches propres de raisonnement et d'interprétation.

L'archéologie comme science

La démarche propre de l'archéologie n'est en rien singulière. Avec des objectifs plus ou moins ambitieux, elle entreprend de collecter (en général par la fouille) les données nécessaires, dont elle propose la description et la mise en ordre (chronologique, typologique, spatiale, fonctionnelle, etc.). Elle livre ensuite des interprétations quant à la société étudiée, interprétations qu'elle doit chercher à vérifier, sauf à rester dans le domaine de l'hypothèse. Ce n'est pas parce que l'archéologie travaille sur des sociétés disparues que la preuve n'est pas possible. Le psychologue, le sociologue ou l'ethnologue, sans même parler de l'historien, travaillent sur des acteurs certes vivants, mais dont les actes réels peuvent différer sensiblement des paroles. Et, alors que certaines sciences de la nature, comme l'astrophysique, ne peuvent pratiquer directement l'expérimentation, il existe une « archéologie expérimentale » qui vise à reconstituer les techniques et des pratiques anciennes du silex, de la poterie, du métal, de l'architecture, etc. Une autre branche, l'ethnoarchéologie, essaie de tester sur des populations traditionnelles des hypothèses formulées sur des sociétés disparues. Ce souci d'une démarche rigoureuse s'est surtout développé en archéologie à partir des années 1960. Il a été particulièrement marqué aux États-Unis avec le mouvement dit de la « New Archaeology », mais a été également bien représenté en France (J.-C. Gardin), en Tchécoslovaquie (B. Soudsky), en Union soviétique (L. S. Klejn) ainsi que dans d'autres pays. Il est devenu progressivement partie intégrante de l'archéologie.

L'archéologie entretient des rapports divers avec les autres sciences. Elle utilise évidemment les sciences naturelles et physico-chimiques : méthodes de datation, détermination des restes végétaux, humains et animaux, composition et origine des matériaux, reconstitution de l'environnement et du climat, etc. Elle manie de même les techniques d'analyse spatiale des géographes ou d'analyse statistique communes à la plupart des sciences sociales. Mais l'utilisation de ces données et techniques n'érigent pas pour autant l'archéologie en science, c'est leur incorporation dans une démarche semblable à celle décrite plus haut qui le lui permet. Avec l'histoire de l'art comme avec l'histoire, l'archéologie a eu le souci d'une autonomie croissante, que lui a permise l'élaboration par la préhistoire d'approches qui, par définition, ne devaient rien aux textes. Si nous venons d'évoquer avec l'ethnoarchéologie les relations entre archéologie et ethnologie, il en existe d'autres, avec les sociologues, qui s'intéressent à la culture matérielle contemporaine et produisent une sorte d'archéologie du temps présent.

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  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

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