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ARCHÉOLOGIE (Traitement et interprétation) Les modèles interprétatifs

Les modèles de représentation de la société

On ne peut étudier une société que si l'on en a une certaine représentation. Ainsi, tant que l'archéologie s'identifiait à l'histoire de l'art, elle produisait en même temps une certaine représentation sociale, car, finalement, on ne s'intéressait qu'aux élites pour lesquelles ces objets d'art avaient été produits. L'intérêt, dorénavant, pour l'ensemble des productions matérielles d'une société, prouve que c'est la totalité de cette société qui est devenue objet d'étude. Mais cette extension s'est d'abord faite sous une forme rudimentaire. Au xixe siècle, une société passée était définie comme une sorte de « boîte » qui contenait des types représentatifs (d'outils, d'armes, de parures, d'objets d'art) : « Magdalénien », « Âge du fer » « Civilisation hellénistique ». On appelait « civilisations » ou « cultures » de telles boîtes et cette conception purement classificatoire oriente aujourd'hui encore une partie des recherches archéologiques.

Pour les périodes historiques, il était tentant, sinon facile, de faire coïncider les boîtes définies par les archéologues et les « peuples » décrits par les historiens antiques, une démarche qui n'est pas sans problèmes : on discute encore vivement de la définition – à la fois historique, linguistique et archéologique – des Celtes et des Gaulois. Par projection, nombre d'archéologues considèrent, à la suite de Gustav Kossinna, archéologue allemand du début du xxe siècle, que « des provinces culturelles nettement délimitées sur le plan archéologique coïncident à toutes les époques avec des tribus ou des peuples bien précis ». Parfois justifiée, cette conception est aussi la cause de bien des détournements nationalistes de l'archéologie, lorsque telle nation moderne veut rechercher ses origines, réelles ou imaginaires, et justifier ses revendications territoriales – voire s'identifier à une « race ».

À ces modèles biologiques, toujours vivants, se sont ajoutés au cours du xxe siècle des modèles mécanistes, comme le fonctionnalisme et surtout le structuralisme, qui a marqué de son empreinte de nombreuses sciences humaines. Les sociétés anciennes sont ainsi analysées comme des mécanismes, des structures, des systèmes en constante interaction. En France, André Leroi-Gourhan a donné une interprétation, cohérente et structuraliste, de l'art des grottes paléolithiques, en les envisageant comme un système global. L'interaction entre les sociétés et leur environnement naturel est une voie de recherche de plus en plus développée. Toutefois, plus l'information archéologique s'accumule, plus apparaît la complexité des causes. Des événements décisifs (apparition de l'agriculture, chute d'un empire) ne peuvent plus être attribuées à un facteur unique. Ce sont donc vers des modèles à causes multiples, des systèmes complexes ou dits « chaotiques », que l'on s'oriente.

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  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

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