MACLEISH ARCHIBALD (1892-1982)
Archibald MacLeish appartient à une ère marquée par des créateurs tels qu'Ezra Pound et T. S. Eliot. Né à Glencoe (Illinois), dans la banlieue de Chicago, il choisit, contrairement à ces derniers, d'établir sa demeure aux États-Unis, choix qui engendra souvent, chez lui, un certain malaise. Il ne pouvait pas, comme Wallace Stevens, se retrancher derrière une carrière d'homme d'affaires dans un pays où l'utilitarisme valait beaucoup plus que la création artistique.
L'attraction que cet écrivain de l'Illinois a éprouvée envers la France se trouve directement exprimée dans plusieurs poèmes : Chartres, Le malheur est que je ne sais pas lire, Voyage en Provence, Le Secret humain, De votre bonheur il ne reste que vos photos, Hypocrite Auteur et L'An trentiesme de mon eage. Les titres de ces sept poèmes sont en français dans l'original ; si l'un des titres est un vers de François Villon, c'est grâce à son ami Ezra Pound qui, pour MacLeish, n'a cessé de représenter la perfection même.
Cette aspiration à la perfection prend racine au cours de ses années d'études à l'université de Yale, où il devient rédacteur en chef du magazine littéraire de la faculté et publie ses premiers poèmes (Gift). Il y fait la connaissance de Lawrence Mason, qui rassemble ses poèmes pour la publication de son premier livre en 1917, The Tower of Ivory. À cette époque, il est soldat en France, et, comme pour la plupart des écrivains de la génération perdue, la Grande Guerre est pour lui une épreuve marquante : la mort de son frère, tué en Belgique, deviendra le thème de plusieurs de ses poèmes (The Silent Slain, Memorial Rain). Après l'Armistice, il regagne l'Amérique afin d'étudier le droit à l'université Harvard et de s'engager dans la carrière d'avocat, qui ne l'inspirait guère. Au cours de l'hiver de 1923, il se décide à quitter de nouveau les États-Unis, accompagné de sa femme et de ses deux enfants, pour rejoindre la colonie des exilés américains à Paris. MacLeish a considéré cette période européenne comme une initiation.
C'est à Paris, en effet, que Pound et Eliot sont devenus ses maîtres en littérature et qu'à leur imitation il s'est plongé dans l'œuvre de Jules Laforgue et de Dante. MacLeish s'est même consacré à l'étude de l'italien afin de lire La Divine Comédie. Cette période particulièrement féconde pour lui est marquée par diverses expériences stylistiques qui contribueront au plein épanouissement de sa forme littéraire. Au cours de ces années il publie l'un de ses poèmes les plus célèbres, Ars poetica, qui marque une rupture nette avec la tradition intellectuelle européenne représentée par Horace et Boileau. Pour MacLeish, la poésie est une affaire de sens et non d'intellect, non point un jeu cérébral mais l'expression la plus profonde d'une sensibilité.
En 1928, MacLeish retourne en Amérique où il occupe diverses fonctions publiques. Un voyage au Mexique sur les traces de Cortez lui inspirera un de ses plus beaux poèmes : Conquistador (1932). Il se révèle un héritier direct de Whitman quand il laisse entendre dans American Letter que les Appalaches et le Wyoming ont pour lui une signification plus grande que Saint-Tropez et le Capo di Mele. Cependant, ce refus de s'abriter à l'ombre de l'Europe va bientôt le déconcerter. Il finit par penser qu'il est étrange d'être américain ; d'autant plus étrange, d'ailleurs, qu'il est l'un des plus grands poètes de son pays mais que la plupart de ses œuvres restent épuisées, l'année même de sa mort. Ce poète, également dramaturge (Panique, 1935 ;, J.B., 1958), porteur de grands espoirs pour la société et la culture de son pays (L'Amérique fut promesses, 1939), reste encore[...]
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Écrit par
- Joël SHAPIRO : chargé de cours à l'université de Paris-III (littérature comparée)
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