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SHEPP ARCHIE (1937- )

The Cry Of My People

Sans constituer un tournant, The Magic of Ju-Ju symbolise l'intérêt croissant d'Archie Shepp pour l'Afrique, qu'il concrétise en juillet 1969 lorsque l'occasion lui est offerte de participer au festival Pan-Africain d'Alger, événement musical et politique auquel étaient conviés les Black Panthers au même titre que les mouvements de libération des pays encore en lutte sur le continent. Un de ses concerts a été enregistré, celui où il improvise en compagnie de musiciens sahariens, expérience à laquelle il donnera des suites, notamment avec les musiciens Gnawa de Tanger. L'été de 1969 est une saison parisienne, Archie Shepp multiplie les séances d'enregistrement avec les musiciens free (onze pour Shepp sur le seul mois d'août 1969, dont les albums Blasé et Mama Rose, et plusieurs sessions en forme de jam session ou d'improvisation collective). Souffrant parfois d'une préparation insuffisante et devenues confuses dans l'attribution des droits artistiques, elles ne sont guère prisées par Shepp ; en outre, ce sont ces opérations européennes qui lui ont fait perdre son contrat avec Impulse ! ; en revanche elles ont contribué à sa (relative) popularité sur l'Ancien Continent. Fidèle à des principes remontant au New York des années 1960, où il était un des organisateurs de groupes d'artistes autogérés, c'est à Paris qu'il a créé son propre label, ArchieBall.

La discographie d'Archie Shepp est abondante et son apparente diversité ne peut annihiler la fermeté d'un musicien qui n'a rien de versatile. On y trouve de précieux enregistrements faits en concert – au festival de Montreux (1975), à Paris (Live At The Totem et Attica Blues Big Band en 1979) – et les preuves de son ouverture, de sa volonté d'approfondir les liens, voire les oppositions entre cultures et styles à l'intérieur de l'univers du jazz et de l'histoire des Noirs : rencontre avec l'orchestre sud-africain Brotherhood Of Breath de Chris McGregor, hommages à de grands devanciers comme Sidney Bechet et Charlie Parker. Et de nombreux duos ; lui qui ne sollicitait que rarement les pianistes dans ses enregistrements des années 1960 multiplie les rencontres : Horace Parlan (six entre 1977 et 1988), Siegfried Kessler, Mal Waldron, Dollar Brand (Abdullah Ibrahim). Le principe du duo permet à Archie Shepp non seulement un dialogue fructueux, mais l'exploration des structures musicales, tâche qu'il a poursuivie avec des percussionnistes comme Max Roach (The Long March, 1979), des contrebassistes, et des chanteurs, en particulier Jeanne Lee (1969 et 1984) et Annette Lowman dans un célèbre Lover Man (1988).

S'il reconnaît volontiers que sa volumineuse discographie n'a pas que des raisons strictement artistiques, Archie Shepp n'en a pas moins constitué une œuvre considérable, représentative du jazz contemporain le plus riche et le mieux ancré dans les courants essentiels de cette culture, énergiquement novatrice. Reconnu, en France notamment, où il semble s'être fixé à l'âge de soixante ans, comme un véritable homme de culture, plusieurs films documentaires lui ont été consacrés, et il a enseigné dans une université du Massachusetts de 1971 à 2001. Il est aussi, de tous les musiciens free, celui qui, par sa pédagogie et son souci permanent de références au patrimoine afro-américain, est le mieux apprécié des amateurs de jazz qui se sont montrés rebelles aux innovations de son temps.

— Daniel SAUVAGET

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Média

Archie Shepp, vers 1970 - crédits : Tom Copi/ Michael Ochs Archives/ Getty Images

Archie Shepp, vers 1970