ARCHIMÈDE (287-212 av. J.-C.)
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De l'intuition à la preuve
Puis, sur sa lancée, il « pèse » la sphère et montre que « toute sphère est quadruple du cône ayant la base égale au grand cercle de la sphère et la hauteur égale au rayon de la sphère ».
Il invente ses sphéroïdes – nos ellipsoïdes de révolution – et il les pèse, ainsi que leurs segments et les segments de sphère. Il invente ses conoïdes droits – nos paraboloïdes de révolution – et il les pèse, c'est-à-dire en donne le volume. Il invente encore ses conoïdes obtus – nos hyperboloïdes de révolution à deux nappes – et, encore une fois, il les pèse.
Mais, de plus, il détermine tous les centres de gravité de ces figures, du parallélogramme, du triangle, du trapèze, du segment de parabole, du cercle, du cylindre, du prisme, du cône, du segment de paraboloïde, de l'hémisphère, du segment de sphère, du segment de sphéroïde, du segment d'hyperboloïde.
Et « ayant ainsi examiné que toute sphère vaut quatre cônes ayant pour base son grand cercle et pour hauteur son rayon, il m'est venu l'idée que la surface de toute sphère vaut quatre grands cercles de la sphère. En effet, j'ai supposé que, de même que tout cercle est égal à un triangle ayant pour base la circonférence et pour hauteur le rayon, ainsi toute sphère est égale à un cône ayant pour base la surface de la sphère et pour hauteur le rayon. »
Cette dernière intuition, quelque batteur d'or égyptien l'avait eue mille ans plus tôt, puisque la surface d'un hémisphère se trouve dans le papyrus de Moscou. Mais il reste à passer de l'intuition à la preuve mathématique. Archimède en est très conscient.
Ce sera l'objet de son traité sur la quadrature de la parabole. Il y reprend d'abord sa pesée, mais en donnant une largeur aux filets rectilignes, dont il affirmait que « leur ensemble constituait le segment de parabole ». Ce sont maintenant des trapèzes inscrits dans le segment, puis circonscrits. Mais il y a encore pesée, appel à la mécanique, à la théorie des barycentres, et l'on comprend que l'inventeur de cette théorie s'en fasse l'avocat en cherchant une nouvelle démonstration à qui personne ne puisse avoir rien à redire. Elle est fondée sur la sommation d'une progression géométrique de raison 1/4.
Pour la surface et le volume de la sphère, la démonstration rigoureuse et purement géométrique est encore plus éloignée de la méthode de découverte. Qui n'a pas lu la lettre à Ératosthène, véritable testament scientifique d'Archimède, ne peut trouver aucun lien entre le magnifique traité De la sphère et du cylindre et les écrits sur la mécanique. Personne en Occident, jusqu'au début du xxe siècle, n'avait lu cette lettre, qui dormait dans un palimpseste de Jérusalem.
Archimède, surtout à cause du rôle qu'il voulait faire jouer à la surface des zones sphériques, devait créer de toutes pièces une technique nouvelle.
Il donne au départ la première définition correcte d'un domaine convexe : « J'appelle concave dans la même direction une ligne ou une surface telle qu'ayant pris deux points quelconques sur cette ligne ou cette surface les (segments de) droites qui joignent ces points tombent du même côté de cette ligne ou de cette surface. »
Il postule ensuite que « la ligne droite est la plus courte des lignes ayant les mêmes extrémités » et que, de deux lignes ou de deux surfaces convexes, l'enveloppante est plus grande que l'enveloppée. Enfin il énonce l'axiome d'Archimède, sur lequel il revient avec insistance dans plusieurs de ses écrits :
« Parmi les lignes, surfaces et solides inégaux, le plus grand excède le plus petit d'une grandeur telle qu'étant ajoutée à elle-même, elle peut dépasser toute grandeur donnée ayant un rapport avec l'une et l'autre des premières.[...]
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Écrit par
- Jean ITARD : agrégé de l'Université, membre correspondant de l'Académie internationale d'histoire des sciences
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