ARCHITECTURE ALLEMANDE, Johann Wolfgang von Goethe Fiche de lecture
En novembre 1772, Goethe (1749-1832) fait paraître à Francfort un court texte dont le titre, Architecture allemande, cache le sujet précis : il s'agit d'un hymne à la gloire de la cathédrale de Strasbourg et de son concepteur, Erwin de Steinbach. Par architecture allemande, Goethe désigne l'architecture gothique. Ce texte, l'un des tout premiers écrits sur l'art rédigés par Goethe, est aussi l'un des premiers grands éloges de l'art gothique, et il a longtemps été lu comme fondateur de la redécouverte du gothique en Allemagne. En vérité, l'essai sur l'Architecture allemande a une histoire et une postérité plus complexes. Après s'être radicalement détourné de l'art gothique, Goethe reviendra sur cette question à la fin de sa vie, à l'occasion d'échanges fructueux avec l'un des principaux protagonistes romantiques du Gothic revival en Allemagne, Sulpiz Boisserée (1783-1854).
La découverte de la cathédrale de Strasbourg
L'essai du jeune Goethe se divise en cinq parties. La partie centrale de ce texte-polyptyque est constituée par la description de la façade de la cathédrale. De l'intérieur de l'édifice, nous n'apprenons rien, ni de son inscription historique ou encore de sa finalité religieuse. Pour le jeune Goethe, l'œuvre d'Erwin de Steinbach est avant tout individuelle. Elle transcende « la scène cléricale, bornée et pleine de ténèbres du Moyen Âge ». Autour du passage central (descriptif) du texte de Goethe viennent se grouper quatre autres parties : 1. Évocation de l'architecte de la cathédrale, 2. Polémique contre les préceptes du néoclassicisme, 3. Critique des érudits qui déprécient ce que Goethe appelle la force et la rudesse de l'architecture allemande, 4. Éloge du génie de l'artiste que l'auteur compare à Hercule et à Prométhée.
L'essai de Goethe admet au moins trois lectures. Dans un premier temps, il convient de le lire comme un document du Sturm und Drang. Il s'agit d'un texte au style brusque, échevelé et dithyrambique, profondément marqué par le souffle biblique et par la diction de J. G. Herder (1744-1803), que Goethe avait rencontré peu auparavant à Strasbourg. Certes, l'auteur exalte la cathédrale et son architecte, mais il s'en prend surtout aux théoriciens de l'art et de l'architecture néo-classiques, c'est-à-dire aux préceptes stylistiques édictés à Paris : « Si elle [la cathédrale] te fait une impression rebutante ou pas d'impression du tout, alors adieu, fais atteler et en route pour Paris ! » Si Goethe appelle allemande l'architecture gothique, c'est que le terme désigne aussi ce qui plonge ses racines dans la culture populaire : il s'agit, en d'autres termes, de souligner « l'authenticité » d'un art qui s'oppose à tout ce qui relève de la pratique artistique française, c'est-à-dire maniérée ou aristocratique. L'artiste et le spectateur n'ont que faire des paroles de l'expert. Le jeune Goethe revendique une attitude résolument empathique devant l'œuvre d'art.
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Écrit par
- Christian HELMREICH : agrégé d'allemand, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-VIII
Classification
Média
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