ARCHITECTURE CONTEMPORAINE Construire aujourd'hui
L'architecte et l'ingénieur
Dans un contexte marqué par des mutations techniques et économiques importantes, de nombreuses identités professionnelles sont appelées à changer. Du côté des architectes, plusieurs facteurs contribuent à rendre ce changement inéluctable. Depuis plusieurs décennies, on assiste tout d'abord à une érosion lente des compétences de l'architecte. De la programmation au câblage des immeubles, de plus en plus de décisions sont prises en amont ou en aval de son intervention. La généralisation des outils informatiques semble mettre, qui plus est, la manipulation de formes géométriques complexes à la portée du premier venu. Il convient toutefois de se montrer prudent sur ce dernier point. Car les effets de l'informatisation sont presque toujours à double tranchant. En même temps qu'il paraît menacer certaines prérogatives traditionnelles de l'architecte, l'ordinateur est susceptible de l'aider à reconquérir la maîtrise du processus de conception dans son ensemble, que ce soit par l'intermédiaire de logiciels permettant d'articuler finement les caractéristiques formelles et techniques des bâtiments, ou encore grâce aux possibilités d'échange en temps réel d'informations entre les différents partenaires du processus d'édification qui se font jour. À l'aide de l'ordinateur, chacun peu dialoguer à tout instant avec l'architecte : le client, l'ingénieur de bureau d'études ou encore l'entrepreneur.
Des identités professionnelles en pleine évolution
Si les compétences de l'architecte sont appelées à évoluer, c'est aussi en raison de la place de plus en plus problématique de l'architecture dans un monde marqué par une urbanisation galopante. Force est de constater que cette urbanisation s'est le plus souvent déroulée sans apport marquant des représentants de la discipline architecturale. L'architecte hollandais Rem Koolhaas a eu à ce propos cette formule saisissante d'une discipline ayant perdu la « bataille de la quantité » qu'avait engagée le Mouvement moderne. Au lieu de changer le monde en le dessinant entièrement, l'architecture s'est souvent contentée d'apporter ici ou là sa modeste contribution sans rien changer au fond au cours des choses. Mais là encore, la situation est plus ambiguë qu'il pourrait y paraître. Car l'architecture a représenté tout au long du xxe siècle une force de proposition non négligeable. Elle continue à cristalliser aujourd'hui l'espoir d'un meilleur cadre de vie. Sans cet espoir, on comprendrait mal le statut de quasi-star dont jouissent certains concepteurs sur la scène internationale. Richard Foster, Rem Koolhaas, ou encore Zaha Hadid jouissent ainsi d'une reconnaissance bien plus étendue que celle dont ont bénéficié en leur temps Frank Lloyd Wright, Le Corbusier ou Mies van der Rohe. Contrastant avec l'anonymat et les conditions difficiles d'existence de la plupart des autres concepteurs, ce « star system » architectural à l'échelle de la planète contribue là encore à reposer la question de la définition contemporaine de l'architecte.
On pourrait croire que les choses sont plus simples du côté des ingénieurs. Mais les indices d'une transformation en profondeur ne manquent pas non plus. Si les compétences de l'ingénieur ne sont pas fondamentalement remises en cause, leur maîtrise par une figure occupant une position en quelque sorte intermédiaire entre le scientifique et le pur homme de l'art apparaît de moins en moins nécessaire dans certains domaines de pointe. La « révolution des matériaux » dont on entend si souvent parler fait précisément appel à la recherche scientifique pure, d'un côté, à des questions de conception, ou plutôt de design au sens anglo-saxon[...]
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Écrit par
- Antoine PICON : professeur d'histoire de l'architecture et des techniques à la Graduate school of design de l'université Harvard, Cambridge, Massachusetts (États-Unis)
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Médias
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