ARCHITECTURE CONTEMPORAINE Construire aujourd'hui
Architecture et culture numérique
Bien que des pionniers comme Nicholas Negroponte aient prophétisé l'adoption de l'ordinateur par les architectes dès la fin des années 1960, celui-ci ne s'est véritablement généralisé dans les agences d'architecture et les écoles qu'au cours des années 1990. Il fait aujourd'hui figure d'outil indispensable d'aide à la conception, même si cette aide est certes moins étendue que ne l'avaient imaginé initialement Negroponte et ses collègues. Aux perspectives de collaboration « intelligente » entre l'homme et la machine s'est substituée une pratique centrée sur le dessin. Pour l'architecte, l'ordinateur permet avant tout d'imaginer et de manipuler des formes géométriques complexes. L'utilisation par Frank Gehry du logiciel Catia pour maîtriser la géométrie de son musée Guggenheim de Bilbao est représentative de ce genre d'usage.
Un outil d'aide à la conception
Quoique limitée, du moins pour l'instant, la généralisation de l'outil informatique influence l'évolution de l'architecture. Elle tend à promouvoir des formes mouvementées que certains critiques n'hésitent pas à comparer à un nouveau baroque. Sans forcément souscrire à cette analyse, des théoriciens et des praticiens de l'architecture comme l'Américain Greg Lynn se sont fait les hérauts d'une nouvelle façon de poser les problèmes de la discipline, en relation étroite avec l'« animation » des figures sur les écrans d'ordinateur. De Greg Lynn à Kas Oosterhuis en passant par Lars Spuybroek de Nox Architekten, tout un pan de la profession architecturale s'est lancé dans la conception de formes compliquées, déconcertantes, aux connotations souvent organiques. Parfois qualifiées de blobs, « pâté » ou « tâche » en anglais, en raison du rejet de l'angle droit dont elles témoignent généralement, ces formes n'ont pas que des partisans. Dessinées et publiées avec un certain succès dans les revues, mais rarement construites, on leur reproche de n'être que des jeux de l'esprit. Plus généralement, certains ont pu y voir les symptômes d'une inquiétante dématérialisation de l'architecture au sein d'un monde voué au culte des images et des simulacres de réalité.
Entre thuriféraires et adversaires sans merci de l'architecture numérique, telle que cherchent à la théoriser et à la pratiquer des personnalités aussi différentes que Mark Goulthorpe, Marcos Novak, ou encore Jesse Reiser, il est sans doute trop tôt pour trancher. Une chose est sûre en tout cas : l'ordinateur n'est pas près de disparaître des agences. Et si au lieu de dématérialiser l'architecture, il contribuait plutôt à redéfinir le rapport de l'architecture à la réalité ? Ce rapport se fonde sur la manipulation d'objets tels que les formes géométriques élémentaires de l'architecture moderne. Certaines évolutions sont d'ores et déjà frappantes, comme le caractère extrêmement concret que prennent les transformations géométriques sur les écrans d'ordinateur. Dans de nombreux cas, l'architecte numérique compose en s'appuyant sur ces transformations plus encore qu'en partant de formes statiques. L'ordinateur ne fait pas que faciliter les opérations de conception. Il tend à modifier la nature des objets manipulés.
Un instrument de communication
L'accusation de dématérialisation paraît d'autant moins fondée que l'outil informatique permet à l'architecte de dialoguer plus facilement avec ses partenaires. En retrait là encore des rêves de partage total des informations caressés dans les années 1960-1970, les échanges de données informatisées sont désormais la règle. Ils permettent d'envisager une meilleure articulation entre conception architecturale, construction[...]
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Écrit par
- Antoine PICON : professeur d'histoire de l'architecture et des techniques à la Graduate school of design de l'université Harvard, Cambridge, Massachusetts (États-Unis)
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Médias
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