ARCHITECTURE CONTEMPORAINE Une architecture plurielle
Les tendances de l'architecture depuis 1980
Alors qu'au cours des années 1970 on a vu se développer une crise réelle de l'architecture, durant la décennie 1980 et le début de années 1990, la ville est devenue l'objet central du débat architectural en même temps qu'on démontrait l'impossibilité d'en théoriser la transformation.
Cette question de la ville sous-tend les formes les plus différentes de l'architecture des années 1980.
Certaines architectures entérinent l'idée de la ville comme chaos ; sous forme d'objets autonomes sans autre communication que leur capacité à créer une image, où se joue en particulier une dissociation entre intérieur et extérieur. Kazuo Shinohara, en glorifiant la ville japonaise contemporaine, a érigé le chaos en valeur.
Dans cette période de crise de la ville, on voit proliférer des propositions urbaines extrêmement variées dans leur forme et dans leur style. Villes traditionnelles, villes modernes issues des C.I.A.M., goût pour les années 1950 et 1960, comme le très subtil projet de Rem Koolhaas pour le Centre international d'affaires à Lille (1989), les images d'Atlanta, la congestion de Tōkyō, le projet d'Oriol Bohigas pour Aix-en-Provence, qui s'accorde à la morphologie traditionnelle de la ville, sont quelques exemples des images multiples et confuses des villes où densification et absence d'éthique de croissance sont corrélatives d'une tendance de l'architecture à s'autonomiser.
On perçoit dans celle-ci un effet sensible de perte de réel dû à une prégnance de l'image comme nouvelle donnée qui compense, par ses messages simples et lisibles, des liens sociaux absents, une absence d'urbanité, voire une mise en question de la ville. Cette recherche de l'image est contemporaine d'une architecture consciente de son processus de création, une architecture à la recherche d'une autonomie semblable à celle de l'art, dans un moment de critique formelle et spatiale, comme chez Rem Koolhaas, Franck Gehry, Kazuo Shinohara, Peter Eisenman, Coop Himmelblau, Zaha Hadid, Jean Nouvel, Daniel Libeskind, Bernard Tschumi, John Hejduk, qui accordent à la conception une place nouvelle et élaborent des projets, sorte de méditation entre l'art et l'architecture, créant des formes qui semblent vouloir faire surgir des directions inattendues de la matière spatiale. Les projets de Libeskind pour Berlin ainsi que ceux de Hejduk, exposés à la Fondation Cartier en 1992, apparaissent dans l'espace de la ville comme des interventions au sens de l'art contemporain.
En 1988, Philip Johnson avait regroupé un certain nombre de ces architectes dans une exposition au Museum of Modern Art de New York, sous la bannière d'un mouvement « déconstructiviste », terme emprunté au philosophe Jacques Derrida.
Plus proche du « réel », certaines tendances contemporaines, plutôt latines, refusent le rejet radical de l'intégration urbaine et mêlent dans un contextualisme formel poétique et rusé, voire baroque, la matière à une idée d'inachèvement, de fragmentation ou d'agrégation (Alvaro Siza, Christian de Portzamparc, Henri Gaudin, Eduardo Souto de Moura, Rafael Moneo, Francesco Venezia). L'attitude radicale, souvent anglo-saxonne, crée, dans un perpétuel effort d'invention, une sorte de maniérisme spatial qui s'attache à la définition des surfaces (Koolhaas, Nouvel) ou un baroquisme des profondeurs (Shinohara, Libeskind, Zaha Hadid en particulier).
Cette attitude radicale se retrouve sous d'autres formes chez certains héritiers du modernisme héroïque, comme Richard Meier, Henri Ciriani, Fumihiko Maki, voire Eisenman, qui développent un maniérisme moderniste parfois néoplasticiste – et chez Tadao Ando, minimaliste essensialiste. Renzo Piano a donné avec le bâtiment de l'extension de l'I.R.C.A.M.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Joseph ABRAM : architecte, professeur à l'École nationale supérieure d'architecture de Nancy, chercheur au Laboratoire d'histoire de l'architecture contemporaine
- Kenneth FRAMPTON
: professeur d'architecture,
chairman of the division of architecture , Columbia University, New York - Jacques SAUTEREAU : architecte, chargé de mission au Bureau de la recherche architecturale, ministère de l'Équipement
Classification
Médias
Autres références
-
AI WEIWEI (1957- )
- Écrit par John M. CUNNINGHAM
- 1 095 mots
- 1 média
...Fuck off autour de photographies délibérément scandaleuses. Après avoir construit son propre studio de cinéma à la périphérie de Pékin en 1999, il se tourne vers l'architecture et ouvre son premier atelier à Caochangdi. Quatre ans plus tard, il fonde le cabinet Fake Design afin de mener à bien... -
ANDO TADAO (1941- )
- Écrit par François CHASLIN
- 1 885 mots
- 1 média
Lauréat de nombreux grands prix internationaux d'architecture, célébré par de vastes rétrospectives dans les principaux musées d'art contemporain, Andō Tadao est devenu l'architecte emblématique du Japon, l'une grandes figures internationales de la profession. Sa notoriété lui vient d'une expression...
-
ANDRAULT MICHEL (1922-2020) et PARAT PIERRE (1928-2019)
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Eve ROY
- 1 092 mots
En 1957, deux jeunes architectes remportent le concours international de la Basilique de Syracuse avec un projet dont l'audacieuse corolle inversée en voile de béton était présentée comme la métaphore de l'élévation de l'humanité vers Dieu. Diplômés de l'École nationale supérieure des beaux-arts de...
-
ANDREU PAUL (1938-2018)
- Écrit par Eve ROY
- 1 045 mots
Né le 10 juillet 1938 à Caudéran, le jeune Paul Andreu quitte sa Gironde natale pour intégrer l'École polytechnique à Paris avec l'intention de devenir physicien. En 1960, il en sort diplômé, et changé : les cours de dessin l'ont convaincu qu'il était destiné à embrasser une carrière créatrice....
- Afficher les 116 références