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PRISONS ARCHITECTURE DES

Prison de Newgate - crédits :  Bridgeman Images

Prison de Newgate

La prison est sans doute un des thèmes architecturaux les plus caractéristiques du xixe siècle. Certes, il a toujours existé des cachots, mais la prison conçue comme un édifice autonome est liée à l'évolution du droit. Dès la fin du xviiie siècle, l'adoucissement des mœurs judiciaires donne à la peine privative de liberté la place principale et conduit à une réflexion sur le système pénitentiaire et sur ses expressions architecturales. Deux écoles, traduisant l'expérience américaine, s'opposeront : soit la réclusion totale du prisonnier, dans une cellule individuelle, selon le système dit pennsylvanien (Eastern Penitentiary à Philadelphie, par John Haviland, 1829), soit un système mixte dit encore auburnien, avec cellules individuelles pour la nuit et ateliers pour le travail en commun (prison d'Auburn, 1816-1826).

Le Panopticon de Jeremy Bentham - crédits : d'après Jeremy Bentham, The works of Jeremy Bentham vol. IV, 172-3

Le Panopticon de Jeremy Bentham

L'imagination des architectes sera de trouver un type de construction permettant d'assembler le plus de cellules possible dans un espace restreint avec une surveillance limitée. C'est Jérémie Bentham, le citoyen du monde, qui dans son Panopticon (1791) a formulé l'archétype de la prison du xixe siècle : une prison circulaire organisée autour d'une cour centrale, dont les cellules également réparties et équidistantes peuvent être surveillées du centre de la circonférence par un seul homme. Ainsi sont évités la « tyrannie subalterne » et un trop lourd appareil de coercition. Des prisons comme le Western Penitentiary à Pittsburgh (1826) ou comme celle d'Autun, par Berthier (1847-1856), tour cylindrique évidée, appliquent assez exactement le programme benthamien. Les Instructions conçues en 1841 par le ministre de l'Intérieur proposent un certain nombre de modèles soucieux de traduire l'unité de surveillance et de vue.

Plus que le plan circulaire, difficile à appliquer, sont élus des plans rayonnants où des ailes rectangulaires, à l'intérieur desquelles les cellules desservies par des coursives métalliques sont réparties autour d'un vide, débouchent sur un point central : prisons de Pentonville, États-Unis (1840-1842), de Kassel, Allemagne (1873-1882), Mazas à Paris (aujourd'hui détruite). Avec les grands magasins, les gares et les halles, les prisons offrent quelques-uns des plus beaux espaces intérieurs conçus, en utilisant du métal, par le xixe siècle.

L'agencement intérieur répond à un souci d'hygiène et de fonctionnalisme qui contraste souvent dans les façades avec le souvenir d'une architecture parlante, qui veut faire peur et avertir. Pour la prison d'Aix-en-Provence, non terminée, Ledoux, en 1776, avait imaginé une sorte de château fort-ziggourat aux entrées surbaissées. La prison construite à Pontivy sous le premier Empire comme celle de Würzburg, due à Speeth (1809), toutes deux détruites, avaient également l'apparence d'une bastille. À la Petite Roquette, chef-d'œuvre incompris et promis à la démolition de l'architecture du xixe siècle, Hippolyte Le Bas construit une sorte de castel hexagonal dont les tours d'angle contiennent les escaliers (1826-1836). Les meurtrières n'éclairent que les couloirs de circulation, puisque les cellules, largement éclairées, donnent sur des patios intérieurs.

Autonomie et contrainte, isolement et regroupement : l'architecture de la prison est faite de tels dilemmes. L'art des architectes — de Harou-Romain fils au pénitencier de Beaulieu près de Caen (première moitié du xixe s.) à Guillaume Gillet pour la centrale de Fleury-Mérogis (Essonne), achevée en 1968 — aura été chaque fois de trouver la solution impossible, qui témoigne en fait de l'état du système pénal, c'est-à-dire, et profondément, des mentalités.

— Bruno FOUCART

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