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ARCHITECTURE & ÉTAT AU XXe SIÈCLE

L'intervention de l' État dans le domaine de l' architecture ne constitue pas un phénomène nouveau. De tout temps et sous tous les régimes, l'État est intervenu dans la mesure où toute réalisation architecturale met en cause les intérêts de couches de population bien plus larges que celles qui sont directement concernées par la construction d'un édifice. C'est l'objet de cette intervention et les formes qu'elle a prises au cours du xxe siècle dans un certain nombre de pays qui semblent marqués d'une spécificité nouvelle.

Généralement, l'État contrôlait essentiellement les aspects utilitaires, réglementaires et sanitaires de l'architecture. Ce champ d'intervention s'est particulièrement développé au cours du xixe siècle, conséquence de la croissance urbaine qui, elle-même, résultait de la révolution industrielle, croissance urbaine qui se poursuit et s'amplifie au xxe siècle. Mais au xxe siècle, dans un certain nombre de pays, l'État interviendra dans l'architecture édilitaire. Enfin, certains États utiliseront la capacité qu'a l'architecture d'émouvoir et de suggérer pour agir sur l'idéologie.

Sans doute ne s'agit-il pas là d'un phénomène totalement nouveau. À d'autres époques, l'État avait déjà eu recours à ces procédés. Les rois de France et leurs architectes, qui édifièrent Versailles, avaient, de toute évidence, des préoccupations qui dépassaient largement le domaine de l'habitat royal et celui du fonctionnement de ses institutions. Tout comme celle de Versailles, l'architecture de Saint-Pétersbourg relevait des règles du discours, et l'on pourrait multiplier les exemples des réalisations qui, depuis l'Antiquité jusqu'aux temps modernes, ont été ainsi chargées de témoigner de la grandeur de leurs promoteurs.

Pourtant, dans ce domaine, quelque chose de nouveau apparaît au xxe siècle. À la suite de bouleversements politiques plus ou moins profonds, de défaites militaires ou de véritables révolutions politiques et sociales, des États d'un type nouveau voient le jour. Malgré des différences fondamentales qui les distinguent les uns des autres, ils ont cette caractéristique commune d'être fondés sur l'autorité indiscutée d'un petit groupe, souvent d'un seul homme. Le fascisme en Italie, le socialisme en U.R.S.S. – qui bientôt prendra une forme spécifique, le stalinisme –, enfin le national-socialisme en Allemagne constitueront des modèles de ce type particulier d'organisation de l'État, modèles qui seront imités (ou imposés) à d'autres pays. Dans ces pays, l'État ne se contentera pas de favoriser ou de promouvoir directement une architecture qui « parlera » de sa grandeur au moyen de formes elles-mêmes grandioses et hardies, comme l'avaient fait Louis XIV ou Pierre le Grand. Il demandera à l'architecture de remplir une véritable fonction de propagande, équivalente à celle des autres médias (presse, radio, cinéma, etc.). Pour les nouveaux dirigeants politiques, en effet, l'architecture doit aider à faire pénétrer dans le peuple l'idéologie des régimes qu'ils imposent. Elle sera l'un des éléments qui pèseront avec une efficacité redoutable sur l'ensemble du cadre de vie.

Dans l'espoir d'atteindre ce but, l'architecture ne peut pas demeurer empirique et dépendante de la subjectivité de ses auteurs. Il faut lui donner des règles précises, non plus celles des proportions transmises de génération en génération depuis l'Antiquité, mais des règles dans lesquelles s'inscrira aisément la doctrine nouvelle, l'idéologie ou la théorie politique que l'on veut imposer. C'est ce qu'exprimera dans un discours Adolf Hitler en septembre 1937 au cours de la journée[...]

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Écrit par

  • : architecte honoraire, professeur à l'université de Paris-VIII

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Médias

Circuit automobile de l'usine Fiat Lingotto, Turin - crédits : Fox Photos/ Hulton Archive/ Getty Images

Circuit automobile de l'usine Fiat Lingotto, Turin

Usine Fiat de Turin, 1919 - crédits : Fox Photos/ Getty Images

Usine Fiat de Turin, 1919

Albert Speer - crédits : Norman Smith/ Hulton Archive/ Getty Images

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