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ARCHITECTURE & ÉTAT AU XXe SIÈCLE

L'ère stalinienne

En Union soviétique, c'est pendant la période stalinienne – c'est-à-dire entre le début des années trente et le milieu des années cinquante – que l'État tentera d'exprimer ses objectifs par les moyens de l'architecture. Cette période succède à celle des années vingt au cours de laquelle des groupes d'architectes aux conceptions différentes (constructivistes, rationalistes, partisans du classicisme ou de la tradition russe) défendront chacun leur théorie particulière. L'apport des constructivistes, dans le domaine de la théorie architecturale et du projet tout au moins, sera le plus important. Il leur reviendra de définir le cadre architectural et urbain favorable à l'épanouissement des idéaux égalitaires et collectivistes des premières années du régime soviétique.

Ces idéaux seront dénoncés comme constituant « des tentatives non fondées, extrémistes et semi-fantastiques » de transformer – de reconstruire, comme on le disait à l'époque – le mode de vie des masses. Avec le stalinisme, c'est une nouvelle couche sociale – certains diront une nouvelle classe – qui accède au pouvoir effectif, politique et économique. C'est désormais à ses goûts et à ses besoins que l'architecture devra s'adapter. Le 29 mai 1930, une résolution du comité central du parti condamnera définitivement les expériences des années vingt.

Mais si l'architecture de la période stalinienne a pour objet essentiel de satisfaire les goûts, les besoins et le désir de paraître de la nouvelle couche dirigeante, elle ne peut, bien entendu, pas le proclamer officiellement. En paroles, elle doit toujours faire référence aux idéaux socialistes et aux besoins de la classe ouvrière. Avant même que ne soit dissoutes en 1932 les différentes organisations d'architectes et avant leur unification forcée au sein de l'Union des architectes de l'U.R.S.S. (juin 1932), l'Union des architectes prolétariens laissait déjà prévoir dans sa déclaration d'août 1929 la future doctrine du «  réalisme socialiste en architecture » qui sera la doctrine officielle de la période stalinienne : « Nous sommes pour un art prolétarien qui, par son contenu, exprime les idées et les aspirations profondes de la classe ouvrière et qui englobe toute la sphère des sensations, tout le complexe émotionnel de la pensée humaine [...]. Nous sommes pour [...] un art unificateur de la forme et de la technique qui organise la volonté des masses dans leur combat et dans leur travail, [...] pour une utilisation critique de l'expérience historique [...]. »

L'égalitarisme collectiviste des premières années de la révolution s'était exprimé en des formes simples, proches de celles qu'utilisaient, en Europe occidentale, les architectes du mouvement « moderne ». Rompre avec les objectifs sociaux de la période des années vingt impliquait que l'on rompe également avec les formes architecturales de cette période. Cette rupture était d'ailleurs souhaitée par la nouvelle couche dirigeante, dont une des caractéristiques est la peur du nouveau, fondée elle-même sur la peur de perdre ses privilèges récemment acquis. Dans le domaine politique, cette peur conduit à la répression de masse et au culte de l'État. Dans le domaine de l'architecture, elle conduit au « respect du passé », et plus particulièrement à celui des traditions architecturales capables d'entourer la nouvelle classe dominante du maximum d'apparat. De là le goût pour le grandiose, pour le gigantisme, pour le faux-semblant et pour tout ce qui place le maximum de distance entre les dirigeants et ceux qu'on appelle alors les « simples gens ». C'est de ces principes que découlera la théorie du « réalisme socialiste en architecture » : « Peut-on se représenter le réalisme socialiste autrement que comme une phase historique totalement nouvelle dans le développement[...]

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Écrit par

  • : architecte honoraire, professeur à l'université de Paris-VIII

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Médias

Circuit automobile de l'usine Fiat Lingotto, Turin - crédits : Fox Photos/ Hulton Archive/ Getty Images

Circuit automobile de l'usine Fiat Lingotto, Turin

Usine Fiat de Turin, 1919 - crédits : Fox Photos/ Getty Images

Usine Fiat de Turin, 1919

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