ARCHITECTURE GRECQUE (époque impériale)
Pas plus que pour les autres domaines de la culture grecque, la conquête progressive du monde hellénistique par les Romains durant les iie et ier siècles avant J.-C. ne marque pour l'architecture un déclin irrémédiable : s'il y a crise, c'est en raison de la tourmente politique, qui menace l'héritage (sac de Délos en 88 av. J.-C. par Mithridate ; sac d'Athènes en 86 av. J.-C. par Sylla) et mobilise les ressources. Une fois la paix revenue et l'administration régulière rétablie, l'activité architecturale reprend dans les cités grecques, soit à leur propre initiative, soit grâce aux largesses des autorités romaines, gouverneurs ou empereurs. C'est ainsi que le iie siècle après J.-C. constitue l'ultime regain de l'hellénisme : la paix romaine dans le bassin oriental de la Méditerranée suscite alors une prospérité qu'attestent des constructions ambitieuses et raffinées, souvent dues au philhellénisme de la dynastie des Antonins, dont certains empereurs – Hadrien et Marc Aurèle – se sentent autant Grecs que Romains.
L'influence romaine dans l'architecture grecque se manifeste surtout par l'ampleur et le luxe des bâtiments civils (stades, bibliothèques, odéons, fontaines, bains, etc.), qui prennent le pas sur les édifices religieux et les ouvrages militaires, et par l'emprunt de certains traits typiques de l’archtecture romaine : plans et volumes accordent une plus large place aux courbes ; l'emploi de la voûte, apparu au ive siècle av. J.-C. avec les premières tombes de type macédonien, devient plus fréquent ; pour certains massifs de maçonnerie et pour les coupoles couvrant de vastes espaces, la brique et le blocage s'imposent. En revanche, les murs à colonnade-rideau décorative, très fréquents au iie siècle apr. J.-C., sont d'origine non pas romaine, comme on l'a longtemps cru, mais alexandrine, et renouent donc avec une création hellénistique adoptée par Rome. Il résulte de cette hybridation une architecture dont les composantes grecque et romaine varient d'une région à l'autre de l'Orient hellénisé, suivant les matériaux localement disponibles, le degré d'hellénisation du lieu, le goût et la nationalité du commanditaire et de l'architecte.
En Asie Mineure, où l'hellénisation est très ancienne sur la côte, mais intense aussi sur le plateau anatolien dès la haute époque hellénistique (iiie-iie s. av. J.-C.) et où les marbres abondent, l'architecture reste très largement grecque dans ses formes et ses techniques. Longtemps méconnus en raison des difficultés d'accès, les grands sites grecs de l'Asie Mineure intérieure et méridionale sont systématiquement explorés depuis les années 1950 : mieux préservés que ceux de Grèce en raison de leur abandon complet aux époques ultérieures, ils témoignent éloquemment de la vitalité de cet hellénisme tardif, moins engoncé dans la tradition que la mère patrie européenne, où l'architecture s'efforce de prolonger d'une manière souvent artificielle un passé révolu. Cette tendance rétrospective, très accusée à Athènes, qui se pose en conservatoire de la tradition classique, est présente presque partout en Grèce même, où l'affirmation de la continuité l'emporte nettement sur l'adoption de nouveautés romaines, surtout dans les cités au passé prestigieux. Seules les villes fondées à nouveau par Rome (Thessalonique, Philippes, Corinthe, Patras...), où la population est donc au moins partiellement d'origine latine, présentent une architecture plus nettement romanisante. Cette résistance du monde grec à l'assimilation est un fait de culture capital : bien qu'administré par Rome, il conserve un vif sentiment de son identité, qui retrouvera une expression politique avec la scission définitive de l'Empire à la fin du [...]
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
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