- 1. La proto-industrie : un bâti d'emprunt
- 2. À la recherche d'une nouvelle rationalité technique : le temps des ingénieurs
- 3. L'usine et la réforme sociale
- 4. Historicisme et éclectisme
- 5. Les matériaux nouveaux
- 6. Le Werkbund et l'esthétique de l'usine
- 7. L'entre-deux-guerres : usine préfabriquée et usine d'architecte
- 8. Bibliographie
INDUSTRIELLE ARCHITECTURE
L'entre-deux-guerres : usine préfabriquée et usine d'architecte
Deux phénomènes contradictoires, mais en réalité complémentaires, apparaissent au lendemain de la guerre : l'entrée massive des architectes dans la construction des usines, et, parallèlement, le rôle nouveau de l'ingénieur en organisation. Avant même la paix de 1918, l'organisation scientifique du travail (l'O.S.T.), mise en place aux États-Unis, avait été présentée comme la solution à la reconstruction industrielle de la France dévastée. À l'image du développement en hauteur et en surface de l'industrie automobile à Highland Park (Detroit, Michigan), la chaîne de montage des usines Ford devient un véritable lieu de pèlerinage industriel et inspire la création, en Europe, d'unités de production immenses telle l'usine Fiat de Lingotto à Turin par l'ingénieur Giacomo Mattè-Trucco (1919), qui établit une piste d'essai sur le gigantesque toit-terrasse de l'usine.
Parallèlement, les nouvelles exigences économiques et technologiques de la production industrielle ont progressivement entraîné une désaffection à l'égard de l'habillage architectural du bâtiment industriel. Les exigences des commanditaires (les besoins en surface, en volumes, en flexibilité, une prise en compte plus stricte des coûts) ont favorisé l'avènement d'un « hyperfonctionnalisme » du bâtiment industriel. La production de l'usine livrée clé en main se développe avec la firme Albert Kahn, qui détient 20 p. 100 de la production américaine des usines, et sa concurrente l'entreprise Austin ; la société du béton Hennebique construit plus de vingt mille ouvrages dans le monde entier. Les entreprises françaises Eiffel, Pantz ou Sée livrent et montent des usines complètes et extensibles en charpentes métalliques vendues par éléments sur catalogue. Le métal est revenu en force à cette occasion, mais comme instrument purement technique, permettant l'édification d'une charpente métallique audacieuse, combinée avec l'usage extensif du verre. Ces systèmes provoquent une véritable internationalisation de l'architecture des usines : dans le cadre de la Nouvelle Économie soviétique, Erich Mendelsohn travaille pour une filature à Leningrad, et Albert Kahn conçoit d'énormes complexes sur tout le territoire russe, ainsi qu'en Chine et au Japon.
En 1930, la création de la revue française Architecture d'aujourd'hui consacre la nouvelle dignité de l'usine : des numéros spéciaux lui sont dédiés, et des chroniques régulières signalent les réalisations notables. Pas un architecte alors qui n'ait construit son usine, et pas de branche industrielle qui ne fasse appel aux architectes (certains d'entre eux se spécialisent d'ailleurs dans une branche). Les fabriques de produits nouveaux et luxueux créent un genre neuf : l'usine urbaine « art déco », située dans des zones périurbaines en voie de développement à proximité des quartiers élégants : ce sont les ouvrages de Thomas Wallis autour de Londres (Firestone, 1928 ; Hoover, 1931-1932 ; Coty, 1933) ; à l'ouest de Paris, les parfums Coty, et les laboratoires Debat, par Barrot, spécialiste des usines de produits d'hygiène ; ou encore les usines d'avions de Hennequin. Ces établissements « chics » développent sur la rue d'élégantes façades en béton ou en briques soigneusement appareillées, ornées de bas-reliefs ou de ferronneries, monumentalisées par une tour d'escalier en dalles de verre ou un portique d'entrée. Très semblables aux écoles, aux dispensaires ou aux bureaux de postes, les usines font plus que participer au décor urbain : elles créent la ville, la structurent, la scandent de leurs tours et propylées, lui offrent leurs espaces verts.
Ce schéma d'intégration[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Françoise HAMON : professeur d'histoire du patrimoine à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Médias
Autres références
-
ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Architecture
- Écrit par Monique MOSSER
- 7 827 mots
- 30 médias
On ne saurait oublier que cette période voit l'affirmation sans nuance de la révolution industrielle qui eut sur l'architecture une influence à la fois technologique et urbanistique. La machine étend dorénavant son règne sur une vaste partie de l'activité architecturale. L'apparition de matériaux nouveaux... -
ARC-ET-SENANS
- Écrit par Daniel RABREAU
- 918 mots
- 1 média
Réalisée entre 1775 et 1779, la manufacture des salines d'Arc-et-Senans, située en bordure du Jura, est un exemple précoce d'architecture industrielle conçue avec un souci d'esthétique. L'architecte Claude-Nicolas Ledoux y fonda en partie sa théorie de l'urbanisme et sa philosophie...
-
ARCHITECTES ET INGÉNIEURS (expositions)
- Écrit par Michel COTTE
- 1 247 mots
L'ouvrage d'art et le grand bâtiment public ou industriel prennent place à la frontière de deux cultures, celle des architectes et celle des ingénieurs. Confrontation et complémentarité, affirmation d'autonomie et source mutuelle d'inspiration, l'ambiguïté paraît marquer cette rencontre. Les démarches...
-
AUTOUR DE GABRIELE BASILICO (livres et exposition)
- Écrit par Emmanuel HERMANGE
- 1 068 mots
Lorsque Gabriele Basilico, architecte de formation, réalise une série d'images sur la banlieue de Milan à la fin des années 1970 (Milano, ritratti di fabbriche, Sugarco, Milan, 1983), la photographie de paysage urbain est un genre étranger au champ de l'art en Europe. Seuls les Américains,...
- Afficher les 28 références