ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) Brique et pierre
« Le château est tout blanc ! / Cela repose des briques rouges de nos pères. » C'est ainsi que Paul Morand imagine dans La Nuit de Vaux-le-Vicomte l'étonnement des invités devant la blancheur du château en pierre, lors de la fête du 17 août 1661 donnée par Fouquet à Louis XIV. L'écrivain se fait l'écho de la croyance de chacun d'entre nous, aujourd'hui encore, que l'architecture de brique, plus précisément « brique et pierre » communément dénommée Louis XIII, saluée par l'historien Sauval comme une invention de qualité apparue « avec tant d'applaudissements sur les murailles de la place Dauphine, de la place Royale » en 1605 et 1607, était passée de mode en 1660. Le style « brique et pierre » n'a pas été l'apanage du seul xviie siècle, il s'est développé tout au long de l'histoire de l'architecture française.
Harmonie de la chaude couleur orangée de la brique et de la blancheur de la pierre ajoutée au gris bleuté des toits d'ardoise, simplicité, symbiose de la brique et de la pierre, tels sont les traits dominants qui confèrent toute son originalité à l'architecture brique et pierre française, dès la fin du Moyen Âge, que l'on ne retrouve nulle part ailleurs en Europe. Certes, la brique fut unie à la pierre appareillée en « arase » dès la fin du ier siècle de notre ère à Rome, mais en Italie du Nord à l'époque romane, en Allemagne du Nord durant la période gothique, comme en France d'ailleurs, quand des églises sont construites en brique, aucune pierre ne vient les éclairer de sa note blanche. Et si les Vénitiens, les premiers peut-être, allient la brique à la pierre dès la période gothique dans certains de leurs palais, il ne faudrait pas voir en eux les précurseurs du style brique et pierre, car ils utilisent avec parcimonie la pierre dans leurs édifices.
Quant aux édifices flamands des xve et xvie siècles, leurs composantes architectoniques et stylistiques sont très différentes de celles de l'architecture française. La pierre n'y est pas liée, en effet, à la brique, mais elle lui est juxtaposée et elle n'atteint jamais l'ampleur d'un beau chaînage en harpe.
Ces architectures ne répondent donc pas à la définition imagée et claire exprimée par Sebastiano Serlio dans son traité de 1537 : « La brique est la chair de l'édifice et la pierre, les os qui la soutiennent. »
Définition du style
Il faut attendre la fin du xviie siècle pour que Augustin-Charles d'Aviler, dans son Cours publié en 1691, énonce clairement que la maçonnerie de brique apparente se fait de deux manières. La première consiste à construire les piédroits (c'est-à-dire les montants verticaux des baies) et saillies (que sont les bandeaux, linteaux, chaînes) de pierre et les panneaux de brique. Jacques-François Blondel, dans son Cours de 1750, précise la place de la pierre aux encognures, au pourtour des portes et des croisées, aux plinthes et aux corniches. La seconde manière consiste à l'inverse à faire les saillies de brique et les panneaux couverts de crépi. L' appareil du mur n'est plus un assemblage de briques mais de pierres non équarries appelées moellons, dont l'aspect grossier nécessite un crépi, mélange de sable et de chaux qui imite la couleur de la pierre. Tout au long de l'histoire du style, les deux manières vont exister tour à tour ou se côtoyer.
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Écrit par
- Josiane SARTRE : docteur en histoire de l'art, conservateur à la Bibliothèque des arts décoratifs
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